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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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appauvrie, a régressé et dégénéré, l’absentéisme des maîtres y étant pour beaucoup. C’est à Ceylan, en Inde, en Indonésie ou en Indochine que désormais elle prospère — avant d’être frappée par la décolonisation. Dans l’ancienne île aux épices qu’était Ceylan, les capitaux anglais ont investi un million d’hectares environ de théiers, de cocotiers, d’hévéas. Les plantations se sont installées sur des terres non cultivées, et elles sont devenues des enclaves qui utilisent au minimum les circuits économiques locaux et exportent leurs bénéfices. Un trait qu’on retrouve en Indochine française. Les Cingalais virent bientôt que ces terres où ils faisaient, de temps en temps, quelque incursion leur échappaient, et ils refusèrent de participer à leur entretien. Les raisons étaient différentes de celles auxquelles étaient confrontés les propriétaires antillais, mais les conséquences furent les mêmes : les Anglais firent appel à des travailleurs Tamils, venus du continent, qui bientôt étaient près d’un million dans l’île — ce qui n’a pas manqué de poser de graves problèmes, surtout depuis l’indépendance du Sri Lanka, en 1947.
     
     
    Effet de la juxtaposition des plantations — ou d’autres entreprises industrielles — avec les formes traditionnelles de la production, un retournement économique s’est opéré, porteur de frustrations et de conflits.
    Le cas de l’Indochine française est exemplaire.
Le retournement indochinois
    A la veille de la Seconde Guerre mondiale, les Français considéraient volontiers que, avec le Maroc, l’Indochine constituait l’un des plus beaux fleurons de leur œuvrecolonisatrice. En tout cas, en Indochine, elle avait été réalisée tout juste en un demi-siècle par eux seuls — alors qu’au Maroc la société avait connu d’autres contacts, auparavant, avec les puissances chrétiennes, et l’apport de la République y était moins net.
    Traditionnellement, en ces heures d’« apogée », on représentait l’Indochine par deux sacs de riz — le Tonkin et la Cochinchine — reliés par un bâton, l’Annam. Ce qui est caractéristique est sans doute que cette image correspond à ce que la colonisation avait fait du Vietnam, à la façon dont elle l’a transformé, car, avant les Français, la situation était inverse : c’est d’Annam que provenaient les principales ressources.
    Il y a donc un renversement, et, si ce changement n’a pas manqué de bénéficier aux colonisateurs, il a aussi dressé la population contre eux.
    Au Vietnam, en effet, l’usage fut de développer les intérêts coloniaux dans des régions antérieurement peu actives, dans le vide, si l’on peut dire. En témoigne l’exemple des charbonnages de Hon Gay et Dông Triêu, au Tonkin, avec leur port de Campha, créé ex nihilo ; il en va de même des plantations de caoutchouc sur les Terres Rouges de Cochinchine, ces plateaux peu habités ; de même étaient à demi vides les zones où on a multiplié les plantations de café, dans la moyenne région du Tonkin. Le port de Haiphong, enfin, n’était qu’un modeste village à l’arrivée des Français, et la région en disposait d’autres, plus actifs ; ce port a été créé en liaison avec les cimenteries installées dans la région et parce qu’il était l’aboutissement du chemin de fer qui devait remonter jusqu’à Kunming en Yunnan ( Mission lyonnaise d’exploration commerciale en Chine , de H. Pia, cité in J. Chesneaux).
    Plus rares sont les activités de l’âge colonial, suscitées ou soutenues par les Français, qui ont continué des activités antérieures : telles les mines de métaux non ferreux, au Tonkin, reprises par la technique moderne, et des sociétés capitalistes, notamment pour le zinc ; il y a continuité aussi dans le cas du port de Saigon, actif avant l’arrivée des Français qui l’ont encore développé.
    Au contraire, dans le Vietnam du centre, c’est ladiscontinuité qui l’emporte, et des activités précoloniales ont dépéri, telle la zone de Bindiah, riche en canne, en soie, en tabac ; les ports de Qui-nhon et Faïfo, également, actifs avant les Français, ont périclité. Cette anémie est liée aux changements dans les échanges du Vietnam ; elle n’en est pas moins ressentie comme l’effet de la présence française, tout comme la déchéance de l’artisanat en Nord-Tonkin : le déclin de la paysannerie, de

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