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Histoire du Consulat et de l'Empire

Histoire du Consulat et de l'Empire

Titel: Histoire du Consulat et de l'Empire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques-Olivier Boudon
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la solidarité entre membres de la même société s'affirme avec le plus de force. Une fois le tour de France achevé, une minorité de compagnons accèdent au rang de maîtres, souvent après la réalisation d'un chefd'œuvre. Il leur faut pour cela trouver un atelier, soit par héritage, soit par mariage. En devenant patron, le compagnon cesse d'être un ouvrier stricto sensu, même si dans sa technique de travail, voire dans ses modes de pensée, il reste très proche des compagnons avec lesquels il a été formé. Le plus grand nombre ne franchit pas la barrière de l'acquisition d'un atelier et reste attaché à un patron. Tailleurs de pierre, orfèvres ou ébénistes, ils forment l'élite du monde ouvrier.
    Ils demeurent pourtant des ouvriers, salariés par leurs patrons. Le compagnonnage ne rassemble pas l'ensemble des artisans, mais il est en constante progression sous l'Empire, comme l'attestent les nombreuses rixes qui se déroulent entre membres d'associations rivales.
    Malgré ces querelles dénoncées par le pouvoir comme un élément perturbateur de l'ordre social, les compagnonnages ont réussi à échapper à l'interdiction. Il est vrai que la police y trouve son intérêt.
    Ces associations ouvrières encadrent une population mouvante et par définition incontrôlable, comme l'exprime fort bien le préfet de police Dubois en 1807 : « Le compagnonnage est d'une grande utilité pour les ouvriers malheureux ... Il y a intérêt à le laisser subsister. S'ils commettent quelques méfaits, il est facile de les retrouver à la cayenne, où les mères leur prodiguent de bons conseils et des soins, et, à l'occasion, procurent des renseignements à la police. »
    Les ouvriers à domicile ne connaissent pas ces formes d'organisation. Ils participent pourtant à la production industrielle. Développé à la campagne, le travail à domicile est également répandu dans les villes où les ouvriers en chambre sont nombreux, à l'image des canuts lyonnais. Ces ouvriers de la soie exercent alors à l'intérieur même de la ville de Lyon, notamment dans le quartier de la Croix
    Rousse, avant que les révoltes des années 1830 ne provoquent un transfert de la production de soie vers les campagnes avoisinantes.
    Le travail à domicile concerne essentiellement le secteur du textile, on le rencontre aussi dans des industries comme l'horlogerie ou la petite métallurgie. À première vue, il s'agit d'une activité moins contraignante que le travail en usine, car l'ouvrier est libre de ses horaires. Dans la pratique, la part est difficile à faire entre travail et vie privée, et l'imbrication des activités industrielles et agricoles conduit souvent à une journée de travail extrêmement longue. De plus, au début du XIX" siècle, on note une rationalisation du système du travail à domicile. Ainsi, dans le nord de la France, des entrepreneurs parisiens spécialisés dans l'industrie cotonnière, comme Oberkampf ou Richard-Lenoir, ont profité du déclin de l'industrie du lin pour réutiliser la main-d'œuvre disponible. Des contremaîtres sont chargés de fournir la matière première aux ouvriers à domicile, 172
     

    LES BASES SOCIALES DU RÉGIME
    puis de récupérer les pièces de coton, mais ils ont aussi la charge de surveiller le travail effectué et de veiller au respect des délais de livraison, ce qui tend à rapprocher les rythmes du travail à domicile de ce qui se fait dans les filatures. De même, l'ouvrier ne peut quitter le fabricant qui l'emploie sans avoir obtenu son congé. En ce sens, le travail à domicile, en se rationalisant et en se mécanisant, devient bien une étape vers l'industrialisation ; il est la marque d'un mouvement qu'on appelle la proto-industrialisation.
    Néanmoins, dans les campagnes, les ouvriers à domicile restent soudés à la communauté villageoise. Ils vivent au rythme des travaux agricoles, travaillent eux-mêmes la terre et profitent de l'usage des biens communaux qui ont été préservés dans plusieurs régions.
    Leur sentiment d'appartenir à un groupe propre n'apparaît pas encore nettement. En ville, au sein des manufactures et surtout des ateliers, une certaine solidarité peut être décelée entre patrons et ouvriers. Au sein d'entreprises qui restent majoritairement de petites structures, le patron est loin d'apparaître comme un adversaire, mais plutôt comme un partenaire partageant les mêmes intérêts. Le témoignage de Bédé, évoquant la crise de 181

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