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Histoire du Consulat et de l'Empire

Histoire du Consulat et de l'Empire

Titel: Histoire du Consulat et de l'Empire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques-Olivier Boudon
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1 , est à cet égard éclairant des relations que peuvent entretenir patrons et salariés : « Nous restons trois ans à Tours ; la troisième année il survient une mortalité de commerce [sic] occasionnée par une disette affreuse qui effrayait toute la classe ouvrière. Le pain monta bien à un prix exorbitant ; le maître qui nous occupait voyant que ses magasins étaient remplis d'ouvrages et qu'il n'y avait aucune apparence de pouvoir les vendre de longtemps, me fit la proposition de ne faire que la moitié d'ouvrage de ce que je faisais habituellement ainsi que mon épouse. Je savais que sa proposition était juste de sa part et qu'il avait de la considération pour moi, que ses intentions n'étaient pas de me laisser sans travailler 4. »
    Sans devoir être extrapolée, cette réaction peut expliquer l'attitude des ouvriers à l'égard de Napoléon lui-même, dont la puissance tutélaire s'apparente à celle du patron. Il faut se garder de l'idée d'une opposition systématique du monde ouvrier à l'Empire, sous prétexte qu'il s'agit d'un régime autoritaire. Dans les années 1800, les ouvriers n'ont que faire de libertés dont ils n'ont jamais vraiment joui ; ils préfèrent disposer de ressources suffisantes pour nourrir leur famille. Il est cep�ndant une liberté qui leur est chère, c'est la liberté de mouvement A la différence du paysan attaché à la terre qu'il cultive, même si elle ne lui appartient pas, l'ouvrier aime changer de lieu de travail, sinon d'employeur. Il y est parfois contraint, notamment par le chômage, mais il en fait souvent le choix, à l'image du compagnon allant de ville en ville, du migrant temporaire regagnant ses pénates après quelques mois passés sur un chantier, voire de l'ébéniste du faubourg Saint-Antoine passant d'un atelier à l'autre. La recherche d'un meilleur salaire explique en partie ces mouvements qui peuvent aussi être une forme de protestation contre l'attitude du patron. En cas de 173
     

    LA NAISSANCE D'UNE MONARCHIE (1804-1809)
    conflit, au début du XIX" siècle, l'ouvrier choisit la fuite plutôt que l'affrontement, sûr qu'il est de retrouver du travail ailleurs. On comprend qu'une telle liberté de mouvements, dans une société encadrée, ait pu heurter certains esprits.
    La codification qui est alors établie tend à restreindre cette liberté, sans toujours y parvenir. L'Empire a hérité de la législation révolutionnaire, dont les deux principaux textes sont la loi Le Chapelier et la loi d'Allarde qui remettaient en cause l'organisation professionnelle de l'Ancien Régime et introduisaient la liberté dans l'organisation du travail. Celui-ci ne devait connaître aucune entrave, que ce soit par l'instauration d'un monopole de production ou par la grève.
    Mais ce libéralisme extrême avait des inconvénients. Il n'avait rien prévu pour régler les relations à l'intérieur de l'entreprise ni pour empêcher une trop grande fluidité de la main-d'œuvre. C'est à quoi s'emploie le régime napoléonien. Parmi les mesures prises dès l'époque du Consulat, la plus connue est l'instauration en 1803
    du livret ouvrier. Il s'agit d'un document nominatif que l'ouvrier doit remettre à l'employeur au moment de l'embauche et qu'il doit récupérer en cas de départ. C'est évidemment un moyen de contrôle par les pouvoirs publics, puisque le livret doit être visé par un officier de police à chaque changement de commune, mais c'est aussi un moyen de freiner le débauchage des meilleurs ouvriers, en établissant des règles claires dans les relations de travail. Un ouvrier ne peut quitter un employeur sans avoir rempli les engagements pris à son égard ou sans avoir remboursé ses éventuelles dettes. Certes, des abus sont possibles mais, en principe, le livret n'empêche pas la circulation de l'ouvrier d'un atelier à un autre ; il la réglemente. Il garantit ainsi contre l'embauche d'un ouvrier moins qualifié, car le livret est aussi un certificat de la qualification de l'ouvrier, dont celui-ci peut dès lors tirer une certaine fierté. Le livret trace une frontière entre l'ouvrier et l'errant. Sa création est en outre une preuve supplémentaire de la fluidité du monde ouvrier. Maintenu jusqu'à la fin du XIXe siècle, il deviendra le symbole de l'asservissement de l'ouvrier. Sous l'Empire, sa création est encore trop récente et sa diffusion trop réduite pour qu'on puisse le considérer comme une arme véritablement efficace. Une

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