Histoire du Consulat et de l'Empire
révolutionnaires dans 330
LE DÉVELOPPEMENT D'UN ÉTAT AUTORITAIRE
un ensemble plus hétérogène. Cette lente disparition des artisans de la Révolution n'en rassure pas pour autant Napoléon qui prive désormais de parole les législateurs.
En 1810, une courte session avait encore permis au Corps législatif de s'exprimer sur la dernière grande loi juridique du règne donnant naissance au Code pénal. Des voix s'étaient même élevées contre ce texte, près de quatrevingts. On ne peut pas parler de fronde, mais une relative inquiétude sourd dans les milieux du pouvoir, au point de contraindre le gouvernement à interdire la publication des résultats dans le Moniteur. Cette inquiétude transparaît aussi dans la correspondance échangée entre Napoléon et Cambacérès. Avant de quitter Paris pour Saint-Cloud, le 4 avril 1810, Napoléon a fait savoir à l'archichancelier qu'il souhaitait la prochaine clôture de la session parlementaire. Cambacérès s'emploie à hâter l'examen des projets en suspens : « J'ai écrit, de suite, au Sr Locré de prévenir les présidents des sections de Législation, des Finances et de l'Intérieur qu'il était nécessaire que dans la séance de samedi les projets de loi sur l'ordre judiciaire, sur les contributions et sur les mines, fussent définitivement arrêtés 6. »
Après quelques échanges avec le Conseil d'État sur les points litigieux, touchant en particulier à l'exploitation des mines, le Corps législatif approuve les projets de loi soumis à son vote. La nouvelle loi sur l'organisation de la justice suscite cependant quelques réserves, puisque cinquante-cinq députés votent contre, Cambacérès expliquant ce vote par une mauvaise compréhension du texte, après avoir annoncé la fin de la session : « Les députés du Corps législatif retournent chez eux avec empressement, écrit-il à Napoléon ; ils commençaient à trouver que la session était longue. Si j 'en crois ce que m'ont dit plusieurs d'entre eux, ils partent satisfaits de ce qu'ils ont vu et de ce qu'ils ont fait 7. » La flagornerie déborde de cette lettre, lorsque l'on sait que Napoléon avait réclamé cette clôture de la session, refusant de laisser le débat se développer. Dès qu'il a senti poindre une once de rébellion, l'Empereur a décidé d'interrompre la session parlementaire, contraignant les députés à un accord rapide. Du reste, Napoléon néglige ensuite les députés, au point que les années 1811-1812 font piètre figure dans les annales de la vie parlementaire française.
Pourtant, Napoléon ne renonce pas aux assemblées. Ainsi, lors du rattachement des dix départements hollandais et allemands à la France, au cours de l'année 1810, il est prévu que chacun d'entre eux enverra des députés au Corps législatif. Plus de trente nouveaux législateurs sont alors attendus sur les bancs de cette assemblée. Le Corps législatif est devenu un apparat monarchique. Seule la séance d'ouverture paraît revêtir quelque importance. Elle prend d'autant plus d'éclat que la session parlementaire est courte et peu féconde.
En 1810, le Corps législatif s'était séparé en avril. La session suivante n'ouvre que le 16 juin 1811, soit quatorze mois plus tard. Le 331
L'ÉCHEC DU SURSAUT DYNASTIQUE (1810-1815)
cérémonial de la séance d'ouverture est parfaitement réglé. À
6 heures du matin, la Garde impériale prend place dans les postes du palais dévolu au Corps législatif. Le maréchal Duroc qui la commande est présent en personne, pour assurer la sécurité de l'Empereur mais surtout rappeler sa, toute-puissance. La Garde est le symbole de la majesté impériale. A 11 heures, une délégation du Sénat, conduite par son président, Garnier, se rend au Corps législatif. Parmi les douze membres de cette délégation, on remarque Sieyès. Dans le même temps, le Conseil d'État se rend au Corps législatif, sous la prot�ction d'une escorte de cent hommes. Sénateurs et conseillers d'Etat sont accueillis par deux députés qui les conduisent aux places qu'ils devront occuper pendant la cérémonie.
L'Empereur pour sa part a attendu midi pour sortir des Thileries, au son d'une salve d'artillerie. Il est entouré d'un cortège impressionnant où se côtoient les ministres, les grands dignitaires de l'Empire et les membres de la Maison de l'Empereur. Le roi de Westphalie, Jérôme, est également présent. Ce cortège grandiose, escorté de cavaliers,
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