Histoire du Consulat et de l'Empire
sens que s'oriente, après trois semaines de débat, le rapport final, soumis à l'assemblée générale le 10 juillet 1811. Préparé par Mgr de Boulogne et Mgr Hirn, respectivement évêques de Troyes et de Tournai, ce rapport précise que les décrets du concile n'auront aucune valeur « sans le consentement obtenu du pape ». Face à ce qui lui apparaît comme une fronde, Napoléon 349
L'ÉCHEC DU SURSAUT DYNASTIQUE (1810-1815)
dissout le concile le soir même. Deux jours plus tard, le 12 juillet, il fait arrêter les trois évêques les plus actifs dans l'opposition à ses projets : Boulogne, Hirn, mais aussi Maurice de Broglie, évêque de Gand, qui, au cours du concile, avait fait l'éloge des papes et demandé la libération de Pie VII. Ces trois évêques rejoignent au donjon de Vincennes l'abbé d'Astros et les prêtres incarcérés depuis le début de l'année pour avoir correspondu avec le pape. Parmi ces évêques, deux viennent de Belgique. Ce n'est pas fortuit. La Belgique, restée très attachée au pape, est la région de l'Empire où le sort fait à Pie VII a été le plus durement ressenti. Napoléon avait pu s'en rendre compte lors de ses deux récents voyages en Belgique.
En outre, c'est dans cette région que les résistances à la conscription sont les plus fortes. En frappant l'Église catholique dans ses chefs, l'Empereur espérait ramener à la raison les populations belges ; il n'allait en fait qu'aggraver le schisme. Mais tous les évêques rebelles ne sont pas frappés. Napoléon n'ose pas s'en prendre à l'archevêque de Bordeaux, Mgr d'Aviau du Bois de Sanzay, pourtant très actif dans la résistance aux décisions impériales. Mais Mgr d'Aviau est âgé et particulièrement respecté dans son diocèse. Sans doute Napoléon n'a-t-il pas voulu prendre le risque d'exciter une opinion bordelaise déjà passablement courroucée par les effets du Blocus continental. L'archevêque n'est donc pas interné, mais soumis à une surveillance plus stricte. Et puis, à travers Broglie et Boulogne, Napoléon entend aussi frapper deux évêques dont il apprécie peu l'ingratitude. Tous deux avaient fait partie de sa Maison, en qualité d'aumôniers de l'empereur. Plus que d'autres, ils devaient à Napoléon leur élévation à l'épiscopat. L'Empereur pensait donc tenir en eux de fidèles soutiens. Il dut déchanter.
Ainsi, le concile de 181 1, dans sa première session, révèle des failles au sein d'un épiscopat napoléonien pourtant façonné avec application. Même chez des évêques apparemment fidèles, des mouvements d'humeur sont perceptibles, par exemple chez le cardinal Cambacérès, archevêque de Rouen et frère d'un des plus hauts personnages de l'État. Quant au cardinal Fesch, dans sa manière de diriger les travaux conciliaires, il n'a pas fait montre d'une véritable autorité, laissant les débats se poursuivre, au risque de provoquer le courroux de son impérial neveu. Et que dire des évêques de l'Empire, une quarantaine, qui ne se sont pas déplacés à Paris ? Pourtant, l'occasion était belle de faire entendre sa voix. C'est d'ailleurs l'un des paradoxes de cette réunion épiscopale. A l'heure où le débat public, notamment au sein des assemblées parlementaires, est complètement éteint, Napoléon choisit de donner la parole aux chefs de l'Église de France. Certes, il entend contrôler cette parole et la faire servir à sa cause. Cette attention à respecter les formes traditionnelles du droit canonique mérite d'être soulignée. Défenseur du gallicanisme dont il a perçu tous les avantages, Napoléon s'est fait le champion de la fameuse Déclaration des Quatre Articles 350
LA CRISE DU SACERDOCE ET DE L'EMPIRE
de 1682. Il n'en maîtrise sans doute pas toutes les finesses, mais il en a au moins retenu l'idée d'une supériorité du concile sur le pape. Cette notion lui plaît. C'est pourquoi il donne la parole aux évêques. Il espère faire d'une pierre deux coups ; imposer le vœu des évêques au pape, et en même temps satisfaire la fibre gallicane de l'épiscopat. Il sous-estime, en la matière, la part d'attachement d'une partie du clergé au chef de l'Église.
Napoléon peut compter sur de fidèles soutiens. Parmi eux se distingue l'abbé de Pradt, une des personnalités les plus originales et les plus controversées de l'épiscopat napoléonien. Cet Auvergnat, vicaire général du cardinal de La Rochefoucauld à la veille de la Révolution, avait
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