Histoire du Consulat et de l'Empire
solution qui permette de contourner l'opposition pontificale. Il décide tout d'abord de réunir, en novembre 1809, une commission ecclésiastique composée de six évêques, présidée par le cardinal Fesch. Appelée à réfléchir sur les conditions d'application du Concordat de 1801, cette commission suggère la réunion d'un concile national pour régler le problème de l'institution canonique des évêques. Cette solution est conforme à la lettre du gallicanisme derrière lequel Napoléon se réfugie de plus en plus pour contrer le pape. Déjà fortement enraciné dans le clergé français, le gallicanisme devient la doctrine officielle de l'Empire, lorsqu'il est décidé, en février 1810, que la Déclaration des Quatre Articles de 1682 deviendra loi de l'Empire français. La mesure est destinée à la France, mais surtout aux régions « ultramontaines », où son enseignement n'avait jamais eu cours, l'Italie notamment.
C'est encore au nom du gallicanisme que Napoléon décide la réunion d'un concile national. Pour le préparer, il réunit une seconde commission ecclésiastique, en mars 1811. Elle comprend, comme en 1809, les prélats les plus fidèles au régime : les trois cardinaux Fesch, Maury et Caselli, et quatre évêques : Bourlier d'Évreux, Duvoisin de Nantes, Mannay de Trèves et Barral de Tours. Enfin, l'abbé Émery, supérieur du séminaire de Saint-Sulpice à Paris et l'une des plus hautes autorités morales au sein du clergé français, est également présent. Ces prélats comptent certes parmi les plus fidèles au régime, mais ce sont aussi d'éminents théologiens, à l'image de Duvoisin ou Mannay dont la réputation est alors sans 348
LA CRISE DU SACERDOCE ET DE L'EMPIRE
conteste. Cette commission approuve le principe d'une modification du Concordat, permettant de se passer de l'investiture canonique du pape. Elle envisage aussi d'envoyer une délégation à Pie VII pour lui faire part de ses observations. En cas de refu§ papal, un concile national permettrait de résoudre le différend. Emery est le seul à protester contre cette atteinte aux droits du pape. Lorsque la commission remet ses conclusions à Napoléon, le 26 mars 181 1 , il défend énergiquement ses positions. Mais, âgé, i l meurt peu après, sans que ses opinions aient pu être entendues. Pour l'heure, Barral, Duvoisin et Mannay se rendent à Savone pour demander au pape d'accepter les propositions de la commission, à savoir que l'institution canonique pourrait être donnée par le métropolitain de la province, si le pape ne s'était pas prononcé dans un délai de six mois. En échange, Pie VII serait autorisé à rentrer à Rome. Les discussions se prolongent avec les délégués de Napoléon, car le pape est sensible à l'état d'isolement dans lequel se trouvent les diocèses sans évêque. Il a également pris connaissance des suppliques de nombreux prélats. Il se dit prêt à accepter une partie des demandes formulées par la commission ecclésiastique, mais finalement se rétracte. La délégation aura cependant beau jeu de faire savoir que le pape n'est pas hostile par principe à la dévolution de son droit d'investiture canonique aux archevêques. C'est dans cette perspective que s'ouvre le concile convoqué par Napoléon, le 17 juin 181 1.
L'ouverture du concile suit de près le baptême du roi de Rome auquel tous les évêques de l'Empire avaient été conviés. La démonstration de puissance de la dynastie impériale devait leur en imposer.
Une centaine d'évêques sont présents à l'ouverture du concile : soixante viennent des diocèses de la France concordataire, quarante-quatre de l'Italie. Il s'ouvre ensuite aux qu�lques évêques allemands encore en place, après la dislocation de l'Eglise d'Allemagne.
Mais ce concile, s'il dépasse le cadre strictement national, n'est pas un concile général, puisque sont absents les évêques autrichiens, espagnols ou portugais, par exemple. Sa représentation est suffisamment forte pour que Napoléon espère voir ses décisions s'imposer au pape. Il pense pouvoir compter sur un épiscopat dont le soutien a été jusqu'alors indéfectible.
Or, dès les premières séances du concile, présidé par le cardinal Fesch, des évêques émettent le vœu que le pape soit préalablement libéré, puis des voix s'élèvent pour rappeler que les décisions du concile n'ont aucune valeur si elles sont prises en dehors du souverain pontife. C'est dans ce
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