Histoire du Consulat et de l'Empire
bloque l'envoi vers la province des journaux et des correspondances. La ville est restée calme. Seuls les bonapartistes sont venus manifester aux abords des Tuileries. Des officiers se pressent dans la cour, les anciens membres de la Maison .de l'Empereur ont réinvesti le palais. Lorsque Napoléon arrive, une partie de l'ancien personnel de la Cour est déjà présente pour lui faire ses offres de service.
Napoléon est entré dans Paris sans tirer un coup de feu. Les départements qu'il a traversés au cours de sa remontée vers la capitale sont ainsi passés sous son autorité. Mais il ne contrôle qu'un cinquième de la France. L'annonce de son retour à Paris entraîne la majeure partie du pays à le soutenir. Vers le 25 mars, les deux tiers des régions se sont rangées sous sa bannière, mais quelques-unes tentent encore de résister. Dès l'annonce du débarquement de Napoléon, outre le comte d'Artois et le duc d'Orléans, d'autres princes de la famille royale s'étaient mis à la tête de ce mouvement de résistance. Le duc d'Ang..oulême avait pris le commandement d'une armée dans le Sud. A Bordeaux, sa femme, la duchesse d'Angoulême, tente d'organiser la résistance royaliste, mais la défection de la plupart des troupes la contraint à renoncer à son 424
LE CHANT DU CYGNE
action le 3 avril ; elle s'embarque alors sur un navire anglais, laissant Bordeaux aux mains des impériaux. En Vendée, le duc de Bourbon essaie de raviver le souvenir de 1793, mais sa tentative est également vouée à l'échec. Seul le duc d'Angoulême parvient à inquiéter un instant Napoléon, en faisant progresser ses troupes dans la vallée du Rhône où le sentiment royaliste s'exprime à nouveau. Mais l'envoi contre cette armée royale du général Grouchy dans un premier temps, puis du maréchal Suchet, contraint le duc d'Angoulême à capituler. En outre, une forte mobilisation populaire s'était dressée contre lui. Fait prisonnier, il est finalement exilé vers l'Espagne le 16 avril. À cette date, le pays est à peu près pacifié. Le roi et la Cour se sont réfugiés à Gand en Belgique, la plupart des émigrés rentrés en 1814 ont repris le chemin de l'exil. La guerre civile a été évitée, en grande partie à cause de l'armée qui a montré sa cohésion en ralliant très majoritairement Napoléon, d'abord par fidélité à son ancien chef, ensuite pour éviter un conflit fratricide entre soldats formés sur les mêmes champs de bataille. Toute résistance n'est pas éteinte, Napoléon peut néanmoins reprendre la direction du pays avec une certaine sérénité.
2. LES CENT-JOURS
La révolution du 20 mars ouvre une nouvelle ère dans l'épopée napoléonienne. En trois semaines, l'aventurier débarquant clandestinement au golfe Juan s'est mué en souverain légitime. Cette légitimité repose sur le soutien populaire rencontré au long de sa route.
Le peuple l'a plébiscité avec ses pieds. Le départ précipité du roi est aussi un aveu de faiblesse qui renforce le caractère légitime de Napoléon. Parvenu à Paris, l'Empereur s'empresse de reconstituer un gouvernement, en faisant largement appel à ses anciens ministres. Le fidèle Maret reprend ses fonctions de secrétaire d'État, Gaudin retrouve le ministère des Finances qu'il avait occupé sans discontinuer de 1799 à 1814, Mollien réintègre également le ministère du Trésor, tandis que Decrès s'apprête à poursuivre l'œuvre de reconstruction de la marine. En revanche, Savary décline l'offre du ministère de la Police où Napoléon se décide à rappeler l'indispensable Fouché. Ce dernier avait joué un jeu ambigu pendant la Première Restauration, affichant son royalisme alors qu'il appuyait l'initiative de généraux qui, dans le nord de la France, préparaient un complot contre le roi, avant d'être menacé d'emprisonnement par le gouvernement de Louis XVIII. Fouché joue de ce statut d'opposant à la royauté pour s'imposer à Napoléon. Sa connaissance des rouages de la police est un atout considérable en ces temps troublés, même si sa fidélité n'est pas à toute épreuve.
Tout comme Savary, Molé refuse de reprendre le ministère de la 425
L'ÉCHEC DU SURSAUT DYNASTIQUE (1810-1815)
Justice. Napoléon choisit donc d'y placer un revenant, en la personne de Cambacérès, l'ancien archichancelier, dont les compétences juridiques sont incontestables et qui d'ailleurs avait occupé cette fonction au lendemain du
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