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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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d’années, j’ai tout revu dans une seconde,
et j’en suis attendri. C’était à la fin de prairial ; les
assassinats commençaient dans le Midi. À Lyon, Marseille, Arles,
Aix, Tarascon, etc., les royalistes massacraient les patriotes
enfermés dans les prisons ; ils dansaient autour des monceaux
de cadavres. Les compagnons de Jéhu et du Soleil, organisés par des
députés girondins, arrêtaient les voitures sur les grandes routes,
égorgeaient les républicains et pillaient les caisses publiques.
Toute la France en jetait de grands cris ; mais la Convention,
pleine de réactionnaires, ne voulait pas les entendre. Les
thermidoriens, eux, commençaient à s’apercevoir que, l’insurrection
écrasée, ils devenaient de trop à la Chambre et qu’on allait
bientôt éplucher leurs anciens comptes ; ils sentaient leurs
têtes hocher d’avance, et se rapprochaient des montagnards restés
solides au poste.
    Ce qui montre bien que l’insurrection avait
été préparée par les royalistes, c’est qu’aussitôt après les
vengeances et l’extermination d’une foule de jacobins, de
dantonistes, d’hébertistes, la disette cessa dans Paris. Les
grandes récoltes n’étaient pourtant pas encore faites en
juillet ; d’où venait donc cette quantité de grains et de
provisions cachés pendant la famine ? A-t-on jamais vu
l’abondance revenir avant les récoltes ? Est-ce que les blés
sortent de dessous de terre par sacs ? Ceux qui pensent à cela
sont forcés de reconnaître que cette insurrection de la famine fut
un véritable guet-apens des royalistes, pour écraser le peuple et
lui donner un roi.
    Qu’on vienne encore nous dire que la France
est un pays monarchique ; il en a fallu couper des têtes pour
nous rendre monarchiques ! Si l’on comptait bien, on en
trouverait beaucoup plus après qu’avant thermidor, sans parler des
trahisons et d’autres crimes sans nombre. Tout marchait ensemble,
ceux du dedans et ceux du dehors s’entendaient. Aussitôt le coup de
Paris réussi, les gazettes annoncèrent qu’une flotte anglaise
s’approchait des côtes de la Bretagne ; puis que cette flotte
avait repoussé la nôtre dans le port de Lorient, et qu’elle
débarquait, dans la presqu’île de Quiberon, des canons, des
munitions, des émigrés et de faux assignats en masse ; que les
chouans et le reste des brigands de la Vendée, malgré leurs
promesses et leurs serments, remuaient comme des vers, et se
dépêchaient de rejoindre l’ennemi. Si nous avions éprouvé la
moindre défaite, la proclamation de Louis XVIII n’aurait pas tardé
longtemps.
    Louis XVII, fils de Louis Capet, venait de
mourir chez le cordonnier Simon, et l’ancien comte de Provence
était déjà proclamé roi de France par les émigrés et les despotes
de l’Europe. Cette comédie nous aurait fait rire, si les trois
quarts de nos représentants n’avaient pas été d’accord avec
l’étranger. Toute la nation en frémissait ; on n’osait plus
lire les gazettes, de crainte d’apprendre tous les jours quelque
nouvelle abomination.
    Par bonheur, Hoche, qui n’était pas un
Léchelle, et qu’on venait de nommer général en chef de nos forces
en Vendée, se dépêcha de réunir quelques troupes et d’aller à la
rencontre des ennemis. Le bruit courait que vingt mille chouans et
dix mille Anglais, commandés par trois à quatre mille ci-devant
gentilshommes, marchaient sur Rennes, route de Paris, lorsqu’on
apprit que Hoche les avait enfermés dans leur presqu’île de
Quiberon, au moyen d’une ligne de retranchements garnie de
canons ; qu’il avait enlevé le château de Penthièvre, à
l’entrée du passage, et mitraillé les révoltés d’une façon
épouvantable, tellement que la plupart, resserrés par nos colonnes,
s’étaient précipités dans la mer, et que le reste avait mis bas les
armes sans conditions.
    Les thermidoriens, réunis aux derniers
montagnards, venaient d’envoyer là-bas en mission leur ami
Tallien ; et Tallien, se rappelant alors que les émigrés
n’étaient pas ses amis, donna l’ordre de les fusiller tous sur la
place ; ils furent donc fusillés à sept cent onze, et l’on
relâcha les paysans. Ce fut une grande perte pour la noblesse.
    On ne se fera jamais une idée de la
satisfaction du pays en apprenant cette bonne nouvelle, après tant
de mauvaises. Le nom de Hoche grandit ; on se rappela ses
anciennes victoires sur le Rhin et la Moselle, et chacun

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