Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
Vom Netzwerk:
chez nous le canon gronder jour
et nuit. Les Autrichiens perdirent là de vingt-cinq à trente mille
hommes ; ils assiégeaient aussi la tête du pont de
Huningue ; finalement, après des sacrifices immenses d’hommes
et d’argent, ils furent heureux d’accorder les honneurs de la
guerre aux défenseurs. Les Français rentrèrent en Alsace avec leurs
canons, leurs armes et leurs bagages, riant, chantant, levant leurs
drapeaux déchirés, et battant le tambour.
    On parlait aussi beaucoup dans ce temps d’une
expédition sur les côtes d’Irlande, commandée par Hoche ; –
mais il paraît qu’une tempête dispersa nos vaisseaux ; – et
puis du mouvement de Bonaparte vers le Tyrol ; du départ de
l’archiduc Charles, pour aller prendre le commandement des
Autrichiens en Italie, et d’un détachement de vingt mille hommes de
notre armée du Rhin, en route dans la même direction, sous les
ordres de Bernadotte.
    Ces choses intéressaient notre pays ;
mais le père Chauvel ne s’en moquait pas mal ; c’étaient les
élections, – le renouvellement du tiers des Cinq-Cents, –qui
l’enthousiasmaient, car avec de bonnes élections il espérait
regagner le temps perdu.
    – La république n’a plus rien à craindre
des étrangers, disait-il, les trois quarts des despotes sont à
terre : ils ne demanderont pas mieux que de conclure la paix,
si nous voulons ; mais les conditions de cette paix doivent
être débattues par les représentants du peuple, et non par des
royalistes, qui céderont tous nos avantages à leurs amis du dehors.
C’est donc des élections prochaines que va dépendre le sort de
notre révolution.
    Les réunions préparatoires venaient de
commencer à Sarrebourg, Droulingen, Saverne, etc., et ce pauvre
vieux, tout gris, s’était remis en campagne. Tous les matins, entre
quatre et cinq heures, il se levait ; je l’entendais descendre
à la cuisine, ouvrir l’armoire et se couper une tranche de pain.
Avec cela le brave homme partait ; il relevait fièrement la
tête, et courait à quatre, cinq lieues dans la montagne, prononcer
des allocutions, encourager les patriotes, et dénoncer les
réactionnaires. Le curé Christophe et ses deux grands frères du
Hengst l’accompagnaient par bonheur, car sans cela les aristocrates
l’auraient assommé. Maître Jean, Collin, Létumier, tous nos amis
venaient me dire :
    – Mais au nom du ciel ! Michel,
tâche donc de le retenir ; les royalistes ont le dessus dans
tout l’ancien comté de Dagsbourg ; tu le sais, ce sont de
demi-sauvages, et c’est là justement qu’il va les défier,
contredire l’ancien moine Schlosser et l’ancien ermite du
Léonsberg, Grégorius. Les gendarmes nationaux eux-mêmes ont peur
d’aller dans ces coupe-gorge, où les gens ne connaissent que les
coups de couteau en fait de raisons ; il se fera bien sûr
massacrer ; un de ces quatre matins on le rapportera sur le
brancard.
    Je comprenais qu’ils n’avaient pas tort, et,
sachant un jour que les fanatiques et les royalistes de la montagne
avaient promis d’exterminer les républicains qui se présenteraient
dans leur district, je me permis seulement de faire une petite
observation au beau-père, en le priant de ne pas aller là, parce
que ce serait inutile.
    Alors il me dit des choses très dures sur
l’égoïsme des parvenus. Le feu de la colère me montait à la
tête ; je sortis. Marguerite courut après moi ; je
voulais m’en aller et tout abandonner. Chauvel partit, et
Marguerite me retint par ses larmes. Mais ce même jour, vers quatre
heures de l’après-midi, la nouvelle arriva que la bataille s’était
engagée à Lutzelbourg, et qu’un grand nombre étaient restés sur
place. Aussitôt, malgré mon indignation contre mon beau-père, le
souvenir de tout le bien qu’il m’avait fait, de tous les bons
conseils qu’il m’avait donnés et de la confiance qu’il avait eue en
moi, me retourna le cœur. Je partis en courant ; comme
j’arrivais à la nuit dans le vallon, tout grouillait et fourmillait
sur la place du village, au milieu des torches de résine qui
brillaient sur le Zorn. Les patriotes avaient eu le dessus ;
mais les deux frères de monsieur le curé Christophe étaient tout
mâchurés, avec une quantité d’autres. Chauvel, par un bonheur
extraordinaire, s’était tiré de la bagarre, et je l’entendais
parler au milieu de cette assemblée innombrable d’hommes et de
femmes venus de trois et quatre lieues ; sa

Weitere Kostenlose Bücher