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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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Chauvel trouver tout mal, crier
contre le Directoire, les conseils, les généraux, et soutenir qu’il
faudrait une seconde révolution pour tout remettre en ordre, cela
me faisait pâlir de colère. Je me disais en moi-même :
    « Il en demande trop ! Tout va très
bien, le commerce reprend, les paysans ont leur part, nous avons
aussi la nôtre ; pourvu que tout s’affermisse, qu’est-ce qu’il
nous faut de plus ? Si les émigrés et les prêtres essayent de
renverser le gouvernement, nous serons toujours là et nos armées
républicaines aussi ; à quoi bon s’inquiéter
d’avance ? »
    Voilà les idées que j’avais.
    Chauvel le devinait sans doute ; il
criait quelquefois contre ces gens satisfaits qui ne s’inquiètent
que de leurs affaires, et ne se doutent pas que tout peut leur être
enlevé par ruse, faute d’avoir exigé des garanties solides,
définitives, c’est-à-dire le gouvernement de la nation par
elle-même.
    Je comprenais qu’il me parlait, mais je ne lui
répondais pas, et je m’obstinais à trouver tout bien.
    Pendant ce temps les victoires allaient leur
train. Alors Bonaparte, après avoir détruit l’armée des Piémontais
et bousculé celle de Beaulieu, passait le Pô, entrait à Milan,
écrasait Wurmser à Castiglione, Roveredo et Bassano ; Alvinzi
à Arcole, Rivoli et Mantoue ; l’armée du pape à Tolentino, et
nous faisait céder Avignon, Bologne, Ferrare et Ancône. Alors
Jourdan et Kléber, après les victoires d’Altenkirchen, d’Ukerat, de
Kaldieck, de Friedberg, enlevaient le fort de Kœnigstein et
entraient à Francfort. Alors Moreau passait le Rhin à Strasbourg,
prenait le fort de Kehl, gagnait les batailles de Renchen, de
Rastadt, d’Ettlingen, de Pfortsheim, de Néresheim, rejetait les
Autrichiens sur Donawerth, et s’étendait en Bavière, pour joindre
Bonaparte dans le Tyrol. Mais l’archiduc Charles ayant surpris et
écrasé Jourdan à Wurtzbourg, avec des forces supérieures, Moreau
fit sa fameuse retraite à travers la Souabe soulevée, livrant des
combats chaque jour, enlevant des régiments entiers à l’ennemi,
forçant les défilés du val d’Enfer, après une dernière victoire à
Biberach, et ramenant toute son armée glorieuse à Huningue.
    Jamais on n’a vu de soldats plus attachés à
leur général que ceux de Moreau ; c’étaient tous de vieux et
solides républicains, qui ne se plaignaient pas d’aller pieds nus
et se montraient fiers en quelque sorte de leurs haillons. Sôme en
était ; il nous écrivit alors quelques mots dont Chauvel fut
attendri :
    – Ceux-là, disait-il, sont encore des
bons ; on n’a pas besoin de leur parler de plaines fertiles,
d’honneurs et de
richesses !
    Et ce qui le faisait rire, c’est que Sôme
admirait surtout la pipe dont Moreau fumait toujours et tirait de
grosses bouffées pendant les combats ; lorsque l’affaire était
bien chaude, les bouffées se suivaient coup sur coup ; quand
elle se ralentissait, la pipe devenait aussi plus calme. Quels
enfantillages ! Mais les bonnes gens s’étonnent de tout, ils
en font de grandes histoires, et ne parlent pas de leur propre
héroïsme.

Chapitre 9
     
    L’hiver de 96 à 97 fut assez tranquille.
    Jourdan, mis en déroute à Wurtzbourg, avait
été destitué. Beurnonville, déjà connu par sa campagne de Trêves en
92, et par son emprisonnement à Olmutz après la trahison de
Dumouriez, le remplaçait à l’armée de Sambre-et-Meuse. Il la
nettoyait de ses filous, cassait les commissaires, chassait les
fournisseurs, fusillait les pillards, et nommait pour la première
fois des officiers payeurs. Malheureusement les désertions
redoublaient ; tous les officiers attachés à Jourdan donnaient
leur démission ; cela devenait grave.
    Les Autrichiens passèrent le Rhin à Mannheim,
ils envahirent le Hundsrück à quelques heures de chez nous, et
furent battus près de Kreutsnach. Nous entrions en novembre ;
une suspension d’armes fut conclue et les armées prirent leurs
quartiers d’hiver depuis Mannheim jusqu’à Düsseldorf.
    Mais du côté de l’Alsace tout continua d’être
en mouvement ; Moreau, avant de repasser le Rhin, avait jeté
quelques bataillons dans le fort de Kehl, sur la rive droite, pour
conserver un pied en Allemagne ; Desaix les commandait ;
l’archiduc Charles les assiégeait avec toute son armée. Il ouvrit
trois lignes de tranchées devant cette poignée de terre ; on
entendait de Strasbourg et même de

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