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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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quand on sortait, tirer
le chapeau jusqu’au dernier mouchard, dans la crainte perpétuelle
de recevoir des soufflets, et d’aller en prison si l’on avait le
malheur d’y répondre, sans aucun espoir d’obtenir réparation.
    Tout le reste de cette organisation, que des
écrivains célèbrent comme le chef-d’œuvre de l’esprit humain, était
dans le même genre. Tout revenait au premier consul ; il avait
la gloire et la responsabilité de tout, et sa responsabilité devait
se réclamer au conseil d’État, dont chaque membre était nommé par
lui et révocable à volonté.
    La nation n’existait plus donc que pour
fournir des soldats et de l’argent à Bonaparte. Jamais aucun peuple
n’était tombé plus bas.

Chapitre 17
     
    Après avoir établi cette magnifique
organisation, balayé quelques poignées de Bretons révoltés et
fusillé leurs chefs, Bonaparte, tranquille sur ses derrières, donna
le commandement des armées du Danube et du Rhin à Moreau.
    Il rassemblait en même temps près de Dijon une
armée dans le plus grand secret. Les Autrichiens, alors maîtres de
l’Italie, assiégeaient Gênes, près de nos frontières ; et tout
à coup le premier consul, ayant assez réuni de troupes, courut se
mettre à leur tête et passa les Alpes, comme Souvaroff l’année
d’avant, mais avec beaucoup moins de peine, parce que le
Saint-Gothard était défendu, qu’il avait fallu l’enlever de force,
et que le passage du Saint-Bernard était libre ; il coupa la
retraite des Autrichiens et perdit contre Mélas la bataille de
Marengo, qui fut regagnée aussitôt par Desaix et Kellermann.
    Pendant ce temps Moreau battait l’ennemi, les
5, 6, 7 et 8 mai à Engen, à Stokach, à Mœskirsch, et lui faisait
dix mille prisonniers ; il s’emparait de Memmingen, culbutait
les Autrichiens à Biberach le 9, et passait le Danube seulement le
22 juin, parce qu’il avait ordre du premier consul de ne pas
s’avancer trop vite, pour lui laisser le temps de descendre en
Italie et de tomber sur les derrières des Autrichiens. Moreau
suivit son ordre. Ensuite il battit Kray à Hochstaedt, Neresheim et
Nordlingen, tandis que Lecourbe commandant son aile droite,
envahissait le Vorarlberg, et se rendait maître de Feldkirch et de
toute la haute montagne jusqu’en Valteline ; mais toutes ces
victoires furent encore arrêtées par la nouvelle des préliminaires
d’Alexandrie, comme les succès de Hoche en 97, par la nouvelle des
préliminaires de Léoben. Bonaparte, le seul grand homme de France,
le seul général hors ligne, revint en triomphe. Tout ce qu’on avait
vu jusqu’alors d’adoration, de ravissement et d’enthousiasme, de
platitude, soit en actions, soit en paroles, pour flagorner un
homme et pour exalter son orgueil, n’était pas même comparable à ce
que l’on fit, à ce que l’on vit, à ce qu’on lut dans les
gazettes.
    Eh bien, tout cela ne suffisait plus au
premier consul. En voyant les hommes se courber à ses pieds et
chercher tous les moyens de se rendre méprisables, l’idée des
anciens chambellans, des anciens maîtres de cérémonies, des dames
d’honneur pour son épouse, des costumes brodés d’or, des valets en
rouge, en bleu, en vert, avec des galons, toute cette mascarade lui
parut convenable ; d’ailleurs il avait les émigrés sous la
main, – le peuple qui travaille et sue ne sent pas toujours
bon ; – mais ces émigrés, pressés dans les corridors et les
antichambres, sentaient bon ; ils avaient rapporté de leurs
voyages l’eau de Cologne de Jean-Joseph Farina tout exprès. Il fit
rayer de la liste par milliers ces gens qui n’avaient pas cessé de
combattre la patrie ; il fit aussi rayer les prêtres
réfractaires, et ne se gêna plus de dire, même en plein conseil
d’État :
    – Avec mes préfets, mes gendarmes et mes
prêtres, je ferai tout ce que je voudrai.
    C’était juste, il pouvait tout
faire !
    Mais ces choses ne me regardent plus ;
l’égoïsme d’un homme qui tue toutes les grandes idées de liberté,
d’égalité, d’humanité ; qui pompe le sang de ma patrie, pour
se grandir lui et sa famille sur les ossements de deux millions
cinq cent mille Français ; qui veut faire rétablir chez nous
les coutumes et les distinctions barbares d’il y a mille ans ;
qui veut faire reculer le progrès et qui finit par nous attirer
deux fois l’invasion des Cosaques, des Anglais et des Allemands, la
vie et la gloire de cet homme n’est pas un

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