Histoire Romaine
s’enquiert de choses
que nul ne peut connaître ou que nul n’a besoin de savoir » .
Tournons enfin les yeux du côté des arts. Ici, comme dans
les autres branches de la vie intellectuelle du siècle, rien qui réjouisse le
regard. La crise financière des derniers jours de la république a porté le coup
de mort aux travaux publics. Mais déjà nous avons dit le luxe des constructions
privées élevées par les grands. Les architectes avaient récemment appris à
employer le marbre : les diverses sortes colorées, le jaune de Numidie ( Giallo antico ), et bien d’autres
s’étalent à l’envi : on exploite, pour la première fois, les carrières de Luna ( Carrare ). On parquette les
chambres en riche mosaïque, on revêt les murailles de plaques de marbre, ou on
les enduit d’un stuc qui les imite, et ce début conduira plus tard aux
peintures murales des appartements intérieurs. Toutes magnificences
dispendieuses qui ne profitent point au bel art. Tel avocat affectait la
simplicité catonienne à parler devant les juges des chefs-d’œuvre d’un
certain Praxitèle [1611] :
mais tout le monde voyageait, et regardait. Le métier de Cicerone ou d’ Exégète ,
comme il s’appelait alors, rapportait gros. On faisait littéralement la chasse
aux objets d’art, moins peut-être aux statues et aux tableaux, qu’aux ustensiles
divers, aux curiosités de la table ou de l’ameublement. La grossièreté romaine,
amoureuse de l’étalage, y trouvait son compte. Déjà l’on s’était mis à fouiller
les vieux tombeaux grecs de Capoue et de Corinthe, pour y ravir les vases d’airain
ou d’argile, placés aux côtés des morts. Tel bronze, statuette ou figurine se
payait 40.000 HS (3.000 thaler = 11.500 fr.) : telle paire de tapis précieux, 200.000 HS (15.000
thaler = 56.250 fr.). Telle marmite de bronze d’un bon travail se payait
au prix d’un domaine rural. Combien de fois le riche amateur, ce barbare en
quête de joyaux d’art, n’était-il pas volé par ses marchands ? Toutefois, le
pillage et la ruine de l’Asie Mineure, qui regorgeait de chefs-d’œuvre, valurent
à Rome la possession des morceaux antiques les plus précieux : Athènes, Syracuse,
Cyzique, Pergame, Chios, Samos, et toutes les anciennes capitales de l’art
étaient dépouillées pour le marché de Rome. Tout ce qui était à vendre, et même
ce qui ne l’était pas, partait pour les palais ou les villas des grands de Rome.
On sait quelles merveilles recelait la maison de Lucullus, à qui l’on fit un
jour le reproche qu’il avait trahi ses devoirs de chef d’armée pour le seul
intérêt de son dilettantisme artistique. Les curieux y affluaient comme aujourd’hui
à la villa Borghèse , et comme aujourd’hui aussi se plaignaient de l’internement,
de l’emprisonnement des trésors de l’art dans les palais et les campagnes des
grands, où la visite en était difficile et exigeait d’habitude une autorisation
particulière accordée par le maître. – En revanche, les bâtiments publics ne s’étaient
en aucune façon enrichis des œuvres des illustres sculpteurs ou peintres de la
Grèce ; et dans la plupart des temples de Rome on en était encore aux
vieilles statues de bois des dieux. Quant à la pratique des arts, Rome n’a rien
produit qui vaille d’être nommé : à peine dans tout le siècle
possède-t-elle un seul statuaire ou peintre dont le nom soit resté ; je
veux parler d’un certain Arellius dont les œuvres faisaient fureur. Non
qu’elles eussent un vrai mérite plastique, mais le maître roué [1612] à ses figures
de déesses prêtait la ressemblance exacte de ses maîtresses du jour.
A l’intérieur, des maisons, et au grand air de la vie publique,
la musique et la danse croissent en faveur. Nous avons vu que la musique
scénique et le ballet se sont créé au théâtre un rôle indépendant et
considérable. Ajoutons à cette indication un autre fait non, moins important. Désormais,
le théâtre public s’ouvre fréquemment aux représentations données par les, musiciens,
les danseurs et déclamateurs venus de Grèce, pareils à ceux qui parcouraient
depuis longtemps l’Asie Mineure, et toutes les contrées helléniques ou
hellénisantes [1613] .
Ces mêmes musiciens, danseurs et danseuses, louaient leurs services pour amuser
les convives à table et dans d’autres occasions : les riches entretenaient
aussi chez eux pour leur chapelle, des joueurs de luth et d’instruments
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