Histoire Romaine
moins isolés dans la grande famille
des peuples. Ils ne ressemblent, dit Denys d’Halicarnasse , à
aucune nation, ni par la langue, ni par les moeurs . La critique moderne
ne saurait ajouter un mot à ce jugement.
L’origine des Étrusques, le pays d’où ils sortirent un jour,
pour venir en Italie, nous sont également ignorés. Perdons nous beaucoup à cela ?
Leur migration touche, évidemment au temps de leur enfance : leur développement
historique commence et s’achève en Italie. Néanmoins on a entamé les recherches
sur le problème de leurs origines. Les archéologues ont un peu l’habitude de
vouloir surtout connaître ce qui ne peut être retrouvé, ou ce qui n’en vaut pas
la peine, s’inquiétant surtout de savoir, selon le mot de Tibère, qui fut
la mère d’Hécube ! Comme les villes les plus anciennes et les plus
importantes de l’Étrurie étaient placées dans l’intérieur, et qu’à l’exception
de Populonia (laquelle d’ailleurs n’a jamais fait partie de l’antique
Dodécapole), il n’en existait pas une sur les bords de la mer qui méritât d’être
nommée ; comme enfin nous voyons ce peuple, dans les temps historiques, se
mouvoir du nord au sud, il nous semble probable qu’ils sont descendus par voie
de terre dans la Péninsule : leur civilisation fort humble encore, au
moment où ils se font connaître, ne se concilierait pas non plus facilement
avec l’hypothèse d’une immigration maritime. Dès les temps les plus anciens, on
a vu des peuples franchir un détroit, comme ils eussent fait d’un fleuve :
mais il était tout autrement difficile de venir débarquer sur les côtes de l’Italie
occidentale. C’est donc vers le nord ou à l’ouest de l’Italie qu’il convient d’aller
chercher la patrie des Étrusques. Rien ne défend de croire qu’ils aient suivi
la route des Alpes rhœtiennes : les plus anciens habitants des Grisons et
du Tyrol, les Rhœtiens , ont parlé étrusque, au dire des premiers
historiens, et leur nom ne diffère pas sensiblement de celui des Rases. Sans
doute, les Rhœtiens peuvent n’être eux mêmes que les restes d’une colonisation
étrusque transpadane ; mais pourquoi ne pas les considérer plutôt
comme le peuple primitif demeuré dans ses cantonnements anciens est toute
simple : elle est conforme à la nature des choses. Lui opposera-t-on le
récit différent, d’après lequel les Étrusques ne seraient qu’une colonie
lydienne, venue d’Asie ? Ce récit a pour lui l’ancienneté de sa date ;
Hérodote y fait allusion [106] ,
et les auteurs qui ont écrit à la suite en donnent des versions nombreuses et
rehaussées par exagération des détails. Mais d’abord il est nettement démenti
par d’anciens et intelligents critiques : Denys d’Halicarnasse, par
exemple, se prononce contre une telle origine. Il prouve qu’il n’y a aucune
ressemblance entre les Lydiens et les Étrusques : tout chez eux est autre,
la religion, les lois, les moeurs et la langue. Il se peut qu’un jour une bande
de pirates de l’Asie-Mineure soit descendue sur la côte toscane, et ait ainsi
donné matière à la légende ; mais nous croyons bien plus encore à l’existence
d’une espèce de quiproquo. Une ressemblance de nom, toute de hasard a semblé
rapprocher les Étrusques italiques ou Tursennœ (car
telle est la forme primitive d’où les Grecs ont fait Τυρσ-ηνοί , Τυρρηνοί ; les
Ombriens Turs-ci et les Romains, Tusci et Etrusci ),
et le peuple lydien des Torrhébes, appelés aussi Τυρρη-νοί ,
de leur ville Τύρρα . L’antiquité de l’erreur
une fois admise, n’en a pas corrigé le vice : et la ressemblance fortuite
des noms ne saurait justifier l’échafaudage de toute une Babel d’opinions
erronées. C’est ainsi qu’on a expliqué le commerce maritime des Étrusques par
les habitudes de la piraterie lydienne puis, que plus tard, acceptant sans
contrôle une opinion relatée par Thucydide lui-même [107] , on a fait des
pirates Torrhébes un rameau détaché de la grande souche des Pélasges, ces
flibustiers des anciens temps. A partir de là, la tradition embrouille
considérablement l’histoire. Les Tyrrhéniens sont les Torrhébes de Lydie, à en
croire les documents les plus antiques, les hymnes homériques [108] ; ailleurs,
ils ne sont que des Pélasges, ou même ils constituent à eux tout seuls la
nation pélasgique : ailleurs enfin, ils sont les Étrusques italiques,
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