Hitler m'a dit
bourgeoisie allemande devait sceller le sort de l’Allemagne. Hitler n’a prononcé qu’un seul verdict conforme au sens de l’histoire : la dissolution de la bourgeoisie allemande, qui n’a jamais dépassé les classes primaires de l’éducation politique du sentiment et n’a jamais su prendre conscience de sa propre valeur.
Un appui me vint d’un autre côté. Tous les adversaires possibles de mon successeur éventuel vinrent me trouver et m’offrirent leur concours. Ils cherchaient là une occasion de se mettre au premier plan. Ils me conseillèrent, au lieu de partir en guerre contre l’homme de confiance d’Hitler, de tomber sur d’autres adversaires, de façon à me remettre en selle. C’était une tactique typiquement national-socialiste. Ces gens ne voyaient les choses que sous le seul aspect d’une lutte pour conserver des positions et pour abattre des rivaux. Dans un autre milieu encore, on m’aurait vu sans déplaisir débarrasser Dantzig de la domination du parti : je veux parler de la Reichswehr. Un général très connu m’encouragea à « dissiper le cauchemar » et à donner un exemple que suivrait peut-être l’Allemagne. Il me suggéra que je pouvais expulser le Gauleiter comme étranger indésirable, faire incarcérer les braillards du part constituer un nouveau gouvernement provisoire, établi sur des bases élargies et armer les syndicats, dont je pourrais faire une sorte de milice qui m’assurerait l’appui du monde ouvrier. Il y avait là une chance à courir, mais il m’aurait fallu des appuis plus larges. Je ne pouvais pas non plus à la fois défendre la constitution et faire un coup d’État. De toute façon, je savais qu’au bout de quelques semaines je devrai faire face à la catastrophe financière, car il n’était pas possible de maintenir notre devise sans l’appui du Reich. À cette époque, le national-socialisme ne pouvait être chassé de Dantzig que par les voies légales. La chose aurait pu arriver six mois plus tard. Malgré les actes de terrorisme du parti, les nouvelles élections donnèrent à peine un peu plus de la moitié des voix au national-socialisme. La S.D.N. aurait pu annuler les élections pour manœuvres illégales et ordonner un nouveau scrutin. Le résultat aurait été une victoire écrasante de l’opposition. Mais l’occasion fut manquée.
Au fond, tous ces projets n’étaient que des rêves. La fatalité allemande devait suivre son cours, qu’on pouvait aisément prévoir, quand on connaissait les données du problème, et surtout les facteurs personnels. Hitler évita de prendre une décision. Von Neurath m’expliqua que le Führer « n’avait pas de pouvoir à Dantzig », État indépendant dans les affaires duquel il ne pouvait intervenir. C’est avec cette pauvre défaite qu’Hitler se débarrassa de la responsabilité gênante d’une décision.
Malade, en proie à la fièvre, je restai enfermé dans mon « hospice » de Berlin, complètement isolé, m’attendant à chaque instant à être supprimé par les sbires d’Himmler. Le sombre avenir de l’Allemagne, dont nous étions tous plus ou moins responsables, pesait sur moi d’une manière insupportable. Dans mon désespoir, j’eus recours à l’Évangile qu’on trouve sur toutes les tables de nuit des hospices allemands. Je le feuilletai et mon premier regard tomba sur cette parole consolante : « Ils ne continueront pas toujours, car leur folie devient évidente à tout le monde. »
XXXVII
L’APOCALYPSE DU NOUVEAU MESSIE
Magie noire ou blanche : que signifient ces refuges que cherche Hitler, cette fuite périodique des réalités ? Hitler est le type du déraciné primaire, souffrant de toutes les lacunes d’une éducation superficielle, qui juge et condamne hâtivement et sans la moindre parcelle de ce respect qu’éprouvent devant les choses obscures les âmes de meilleure qualité. Il appartient à cette catégorie d’Allemands médiocres, déshérités de toute tradition, qui se jettent sur la première chimère venue et s’y cramponnent par peur du vide. Au fond, tout Allemand a un pied dans l’Atlantide où il cherche une meilleure patrie et un plus riche patrimoine. Cette double nature des Allemands, cette faculté de dédoublement qui leur permet à la fois de vivre dans le monde réel et de se projeter dans un monde imaginaire, se révèle tout spécialement dans Hitler et donne la clef de son socialisme magique. Tous les
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