Hitler m'a dit
politique extrémiste vis-à-vis de la Pologne. Comme introduction à cette lutte, on me demanda de faire emprisonner un certain nombre de prêtres catholiques, de dissoudre le parti socialiste et de prendre des mesures de rigueur contre la population juive. Je refusai. De mon côté, j’exigeai une dévaluation immédiate du gulden et l’élargissement du gouvernement, de façon à faire face aux répercussions de la mauvaise politique financière. Je demandai l’arbitrage d’Hitler.
Hitler était alors enfermé dans sa villa d’Obersalzberg et il était impossible de lui parler. Je restai donc à Berlin pour l’attendre. J’avais esquissé dans un mémoire les grandes lignes de la seule politique possible pour Dantzig. Puisque j’étais privé de l’appui du parti, j’essayai de faire parvenir ce mémoire à Hitler par l’entremise de von Neurath, et en le priant de m’accorder une audience. Neurath était à la chasse au chamois. La question ne l’intéressait pas. Protéger un homme « compromis » ne pouvait que lui attirer des ennuis. Alors je tentai d’intéresser à ma cause le secrétaire d’État von Bülow. Il me fit toutes sortes de belles promesses. Mais je savais que ma politique n’avait de chance de réussir que si j’approchais Hitler avant le Gauleiter de Dantzig.
Je ne sais si mon mémoire n'est jamais venu entre les mains d’Hitler. S’il l’a reçu, il ne l’a certainement pas lu. Hitler ne lisait aucun rapport ni aucun document. Lammers aurait pu lui en parler. Mais Forster, le Gauleiter de Dantzig, m’avait devancé. Il trouva accès à l’Obersalzberg.
Hitler capitula devant son Gauleiter. Il ne me laissa pas défendre moi-même mon projet. La route m’était désormais tracée : je pris ma retraite.
Hitler m’avait fréquemment témoigné sa bienveillance. Au cours de nos conversations, il m’avait dit bien des choses qu’il tenait cachées à plusieurs de ses Gauleiter. Mais il ne pouvait pas se débarrasser des liens qui l’attachaient à ses premiers compagnons de lutte. Il s’était remis entre leurs mains. Il ne lui était pas possible de donner raison à quelqu’un contre ses Gauleiter. À Berlin, on ne reconnaissait pas encore cette situation-Pendant longtemps encore, on s’est fait dans la capitale les mêmes illusions que je m’étais faites à Dantzig : on s’imaginait toujours qu’on pourrait séparer Hitler de son entourage et lui ouvrir ainsi la voie d’une politique plus saine et plus stable. L’opinion des milieux responsables, à Berlin, était qu’on accomplissait un devoir patriotique en faisant preuve de persévérance et en « occupant la position ». Tout cela a été peine perdue. L’un après l’autre, ces patriotes ont perdu l’influence qu’ils croyaient avoir et ont capitulé devant la camarilla de gangsters qui entourait Hitler. Ils ne sont plus aujourd’hui que des « techniciens » qu’on méprise et dont les avis n’ont plus aucun poids.
Je pris pension à cette époque, – c'est-à-dire à l’automne de 1934, –en attendant la décision d’Hitler, dans un « hospice » chrétien de Berlin car l’hôtel où je descendais habituellement était trop espionné à mon goût. J’appris qu’on avait songé à me transporter dans un sanatorium suspect des environs de Berlin. On prétendait que j’étais malade. Je savais ce qui m’attendait dans cette « maison de santé » : je n’en serai jamais sorti. J’avais essayé tout ce qui était humainement possible. J’avais fait savoir à quelques unes des personnes les plus influentes de Dantzig, notamment aux représentants des grands intérêts économiques, quel danger les menaçait et je leur avais demandé de m’aider en rédigeant une pétition collective où ils rassembleraient, au sujet de la gabegie du parti, la documentation et les plaintes qu’ils m’avaient si souvent apportées eux-mêmes. Pour enlever à la lutte que je menais en faveur d’une politique raisonnable tout caractère odieux, il était indispensable qu’elle prît une forme plus large que celle d’une rivalité de personnes dans le monde dirigeant. Mais dans la Ville libre de Dantzig, il n’y avait plus trace de l’esprit hanséatique ni de la fière indépendance des siècles passés. Chacun des hommes que j’avais pressentis se refusa à compromettre sa misérable petite existence. Chacun eut peur de miser sur le mauvais cheval. Ce manque de caractère de la
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