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Hitler m'a dit

Hitler m'a dit

Titel: Hitler m'a dit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hermann Rauschning
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élèvent bien au-dessus de la commune mesure. Ces pouvoirs sont extérieurs à leur personnalité réelle. Ce sont des visiteurs venus d’un autre plan. Le médium en est possédé. Délivré de son démon, il retombe dans la médiocrité. C’est ainsi qu’incontestablement certaines forces traversent Hitler, des forces quasi démoniaques, dont le personnage nommé Hitler n’est que le vêtement momentané. Cet assemblage du trivial et de l’extraordinaire, voilà l’insupportable dualité que l’on perçoit dès qu’on entre en contact avec lui. Cet être aurait pu être inventé par Dostoïevski. Telle est l’impression que donne, dans un bizarre dosage, l’union d’un désordre maladif et d’une trouble puissance.
    J’ai souvent entendu confesser qu’on avait peur de lui et que même un adulte ne l’abordait pas sans des palpitations de cœur. On avait le sentiment que cet homme allait vous sauter subitement à la gorge pour vous étrangler, ou vous lancer un encrier au visage ou faire quelque autre geste insensé. Dans tout ce que les « miraculés » racontent de leur entrevue, il y a beaucoup d’enthousiasme feint d’humilité hypocrite et souvent aussi de suggestion. La plupart des visiteurs veulent avoir eu leur moment sublime. C’est l’histoire de Till l’Espiègle et de son image invisible, dont personne ne voulait avouer qu’il ne l’avait pas vue. Mais ces mêmes visiteurs, qui ne voulaient pas ouvrir les yeux, finissaient par s’avouer un peu déçus lorsqu’on les mettait au pied du mur. « Oui, c’est vrai qu’il n’a pas dit grand’ chose. Non, il n’a pas l’air d’un homme éminent… du moins, je n’ai pas eu cette impression. » Alors d’où vient l’illusion ? Du prestige, du halo, du nimbe ? Le nimbe, oui c’est le nimbe qui fait tout.
    Mais en fait, ce « miraculé » quand il en vient à se prendre lui-même en flagrant délit d’autosuggestion, va-t-il vraiment au fond des choses ? Elles ne sont pas aussi simples. J’ai souvent eu l’occasion de me scruter moi-même, tout à fait froidement et j’avoue qu’en présence d’Hitler je me suis senti sous une emprise que j’ai eu quelque peine à secouer ensuite. C’est, malgré tout, un type d’homme très singulier. Rien ne sert de le considérer comme un pantin dont on peut se moquer en même temps que de soi-même. On s’approche davantage de la vérité en pensant au magnétisme du médecin célèbre, du grand charlatan. Notre époque est bien celle qui s’incline devant le charlatanisme. Mais ce n’est pas encore tout à fait cela, et encore moins juste serait l’évocation des potentats romains, des « divins Césars ». Hitler n’a rien du César, rien du Romain, rien de la majesté que confère l’empire incorporé dans la personne divine de l’empereur. Non, Hitler est tout autre chose. Ce qui résonne autour de lui, ce ne sont pas les buccins des légions, c’est le tam-tam des peuplades sauvages. Des rites et des incantations asiatiques ou africaines, voilà les vrais ingrédients de sa magie. Des danses frénétiques jusqu’à épuisement. C’est l’irruption du monde primitif dans l’Occident. Voilà, je crois, la note juste.
    Gardons-nous à tout prix d’exalter cet homme, de l’éterniser, d’en faire un mythe. De toutes façons, il occupera pendant longtemps encore l’imagination de son peuple et non pas de son peuple seul. Lui-même est persuadé que son action la plus profonde se fera sentir après sa mort. Et malgré toutes les précautions qu’on prendra, il n’est pas impossible que le mauvais charme revive, comme ces démons des Mille et une Nuits qui, emprisonnés dans un flacon, puis libérés par hasard, revivent subitement et prennent figure de géants. Il est donc souhaitable et nécessaire que notre époque apprenne à connaître cet homme dans sa vulgarité et sous son vrai visage, à voir Hitler tel qu’il est et non pas seulement tel qu’il s’explique lui-même : déshabillage peu plaisant, mais je le répète, indispensable. Le voici, peint au naturel :
    Hitler est exigeant. Il est gâté, cupide, et ne connaît aucun travail régulier. On peut même dire qu’il est incapable de tout vrai travail. Il a des idées, des impulsions qu’il lui faut alors réaliser fébrilement, immédiatement. Il s’en débarrasse comme d’un besoin physique. Il ne connaît pas l’effort prolongé et soutenu. Pour employer son propre langage tout en

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