Hitler m'a dit
le savoir, à quelques places sensibles de son amour propre et de sa vanité. Le Führer de l’Allemagne ne connaît aucun sentiment de magnanimité. Il vit dans un monde de mensonges ; il dupe autrui et se dupe lui-même. La haine est un vin dont il se grise. Il faut avoir entendu cet homme débiter ses tirades furieuses pour comprendre avec quelle volupté il se baigne dans la haine.
Cruel, vindicatif et sentimental. C’est là un mélange bien connu. Il aimait ses canaris et pleurait lorsque l’un d’eux venait à mourir. Mais il martyrisait jusqu’à la mort, avec des raffinements de cruauté, des hommes dont il voulait se venger. Il est capable d’absorber d’énormes quantités de sucreries et de crème fouettée, mais dans ses instincts c’est un sadique, à qui le tourment des autres procure un plaisir quasi érotique. La figure de l’Histoire romaine qu’il admirait le plus est celle de Sylla, l’homme des proscriptions et des exécutions en masse. Il me recommanda un jour, pour mes heures de loisir, un mauvais roman sur Sylla. Ce qu’il y a de plus abominable chez lui, c’est le relent d’une sexualité contrainte et anormale, qu’il exhale comme une mauvaise odeur. Je me rappelle un propos de Forster, l’ami intime d’Hitler. « Bubi » Forster, l’enfant terrible parmi les Gauleiter : « Ah ! si seulement Hitler pouvait savoir combien il est agréable d’avoir dans les bras une belle fille toute fraîche ! » Forster à ce moment courait le cotillon. « Ce pauvre Hitler ! » dit-il encore ! Je me gardai de ne poser aucune question.
Hitler a accroché dans une petite pièce de son appartement quelques toiles qu’il ne peut pas montrer à tout le monde. Il aime la peinture au poil, le trompe-l’œil des reliefs graveleux et précis. Ces tableaux ne sont pas faits pour inspirer des émotions d’art. Peut-être a-t-il voulu simplement imiter le Grand Frédéric et porter, lui aussi, un masque de débauche pour mieux duper le monde et faire croire à des préoccupations du caractère le plus personnel, alors que ses troupes préparaient leur entrée à Prague ? Ainsi faisait Frédéric quand ses grenadiers s’apprêtaient à envahir la Saxe.
Frédéric de Prusse est le héros préféré d’Hitler. Il se sent des affinités avec lui. Il lui fait le grand honneur de le reconnaître comme son maître. En réalité, il cherche à se mirer dans une grande figure. Il est si plein de lui-même qu’au moment où il exalte son modèle il s’identifie avec lui. On croirait donc qu’il est bien convaincu de sa propre grandeur. La preuve qu’il n’en est rien, c’est qu’il déborde de gratitude pour la moindre approbation et la plus grossière flatterie. Ainsi s’explique le besoin qu’il a d’avoir autour de lui des adulatrices qui ne lui ménagent pas les superlatifs et le nourrissent de leur encens. Quelle ironie grotesque dans le destin de cet homme qui hait les femmes et ne peut se passer d’elles, car elles l’ont fait ce qu’il est !
XLIV
L’AIRE DE L’AIGLE
Hitler a fait édifier de puissantes bâtisses, des édifices privés ou officiels, des palais pour le parti. Son ardeur effrénée à construire, restera comme l’expression du besoin qu’il a de se faire valoir. Le public les admira puis s’effraya de leurs dimensions et de l’insouciance avec laquelle on dépensait sans compter. C’est en contemplant ces entassements de ciment armé que les masses et que les gens réfléchis se sont posé pour la première fois la question de savoir où tout cela mènerait. L’obstination du constructeur ne s’arrêtait devant aucune objection, et ne tenait aucun compte des conditions locales. On a appris par la suite quels obstacles il avait fallu vaincre, à coups de millions, pour construire les fondations des bâtiments du parti à Nuremberg. Mais Hitler dédaignait tout avis des experts. Il fit construire à Berlin une nouvelle chancellerie, et édifia une succursale de cette chancellerie dans ses montagnes. Il bouleversa Berlin et s’occupa aussi de moderniser Vienne. Des plans, des plans gigantesques ! et tout cela en plus du réarmement qui, à lui seul, engloutissait près de cent milliards. Sans compter tout ce qui devait encore venir, les maisons ouvrières, les cités jardins. Dans toute l’Allemagne, la géographie du peuplement et des cités devait être bousculée et nouvellement répartie ; les agglomérations urbaines devaient être
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