Hitler m'a dit
Forster », dit-il à son benjamin. Nous arrivâmes ensuite à la conversation que j’ai rapportée plus haut sur la guerre et les possibilités de la guerre.
Le temps avait passé, midi approchait. Hess venait de rentrer et Hitler nous avait laissés seuls pendant un instant. Nous regardâmes dans la vallée. Hess nous fit la description des environs et nous montra la tache où se trouvait Salzbourg. Il nous apprit qu’Hitler regardait avec une haine implacable dans la direction de la frontière qui enserrait son pays natal. Nous comprîmes qu’il s’agissait là de sentiments personnels et non pas seulement de sentiments politiques et nationaux.
Hitler prit congé de nous, mais auparavant il nous gratifia de quelques-unes de ses idées sur la politique dantzikoise. « Dantzig, dit-il, était une ville du plus grand avenir, appelée à jouer un rôle extrêmement important dans une Europe allemande. Elle devait compter plusieurs millions d’habitants du fait qu’elle se trouvait au point d’intersection de lignes de forces naturelles. Cette opinion d’Hitler, en opposition avec l’opinion générale qui ne voulait voir dans Dantzig qu’une ville agonisante destinée à devenir une ville-musée, j’en ai retrouvé les bases chez un conseiller d’Hitler resté inconnu parce que mort jeune, chez un certain ingénieur Plaichinger. Je lui avais rendu visite à Munich et il m’avait exprimé la même opinion sur l’avenir grandiose de Dantzig, qu’il qualifiait de future Anvers de la mer Baltique.
Nous prîmes congé de Hess. Une voiture nous attendait. Nous descendîmes jusqu’à Munich. Au moment de quitter Obersalzberg, nous vîmes Goebbels descendre de voiture et gravir péniblement, en boitant, le sentier étroit qui conduisait de la grande route au chalet d’Hitler. Il commençait à tisser la toile dans laquelle la mouche Allemagne devait un jour se laisser prendre.
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VI
LES HARAS DE LA NOUVELLE
NOBLESSE ALLEMANDE
La première Maison Brune à Munich était un mélange caractéristique du building moderne et du style teutonique le plus démodé. On y trouvait des meubles métalliques, des armoires à archives, des classeurs dernier cri. On y trouvait aussi une salle sénatoriale, des étendards, des armoiries, des peintures hideuses et tout un bric-à-brac allégorique. J’ai eu l’occasion de pouvoir contempler pendant plusieurs heures de suite, au cours de mes conférences intimes avec Hitler et quelques-uns de ses conseillers, un tableau qui représentait « le triomphe du mouvement », ou quelque chose d’approchant. Sur une plaine qui s’étendait à perte de vue, on voyait se presser une foule innombrable, comme au jugement dernier on voit les myriades de ressuscités qui montent au ciel. Au-dessus de cette multitude, la croix gammée étincelait dans l’orage et les nuées.
C’était un cercle fort restreint qui, en cet été de 1932, avait été convoqué par Darré pour jeter les grandes lignes d’une « politique orientale de l’espace vital ». Darré, le plus jeune membre du parti parmi ceux qui devaient entrer plus tard au gouvernement, nourrissait l’ambition particulière de définir la future politique allemande à l’Est. À dire vrai, les grandes lignes de cette politique étaient déjà esquissées dans « Mein Kampf ». Mais les conséquences politico-agrariennes et démographiques étaient restées imprécises dans le tableau romantico-historique brossé par le Führer, et Rosenberg lui-même n’en avait pas précisé les détails.
Darré, qui avait fait des études agronomiques, s’était chargé de la mise en application pratique et scientifique des doctrines racistes. Il rassemblait les fiches d’une immense documentation sur la biologie héréditaire de l’élite nationale-socialiste et en particulier des S.S. Sur l’instigation de Himmler, il était en train de constituer les arbres généalogiques de la nouvelle noblesse, une sorte de « stud book » pour la future race seigneuriale qu’il fallait obtenir méthodiquement selon les meilleurs principes de l’élevage et de la sélection des races animales et du bétail. Darré me montra ses classeurs et ses grandes cartes démographiques. À cette époque, Himmler avait promulgué l’interdiction pour les membres des S.S. de se marier sans une autorisation spéciale. L’autorisation de mariage n’était donnée qu’après un examen biologique approfondi de chacun des futurs
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