Hitler m'a dit
pas reconnaître les difficultés qui résidaient dans la nature même des choses, il ne voyait que l’insuffisance et la malveillance des hommes.
Par ailleurs, on peut dire qu’il a eu de la chance avec son tiroir vide, car c’est dans ce néant que M. Schacht a glissé ses idées ingénieuses. On a de bonnes raisons de supposer que, sans ce « prestidigitateur », l’amour-propre d’Hitler aurait eu à subir très vite quelques blessures pénibles. C’est dommage. Car la confiance que le Führer ne croyait devoir qu’à ses propres mérites lui a permis, peu de temps avant la démission de Schacht, de repousser les exigences plus sévères que formulait ce dernier, en vue de consolider l’économie des dépenses. Il a suffi à Hitler de rappeler avec quel bonheur il avait opéré dans le passé : au moment de la « lutte pour le pouvoir », quand Hitler réclamait de l’argent à Schwarz, le caissier du parti, celui-ci lui répondait régulièrement : « M. Hitler, la caisse est vide. » Alors Hitler frappait du poing sur la table et disait : « Schwarz, j’ai besoin de mille marks pour demain matin », et, ô prodige, le lendemain, les mille marks étaient là. « Comment il se les était procurés, observait Hitler, cela ne m’intéresse pas ! »
Hitler ne s’est jamais beaucoup inquiété du financement de ses projets. Peut-être était-ce une force pendant un certain temps. Dans tous les cas, tous ses Gauleiters l’imitaient. « Il y a de l’argent, en quantités illimitées », me répondait Forster, notre Gauleiter de Dantzig, quand je manifestais mes inquiétudes à propos de ses grandioses projets de bâtisse »… Pendant notre visite à Hitler, Forster ne montra d’intérêt que pour le problème des découvertes techniques.
« M. Hitler, dit-il, après avoir laissé le Führer rêver pendant quelques instants, que pensez-vous réellement des nouvelles découvertes ? Croyez-vous que nous puissions faire fond sur elles ? Est-il vrai que seules des inventions de cette nature forcent les industriels à de grands investissements qui ont pour conséquence un nouvel essor économique, un essor durable ? » Et Forster de poursuivre, avec l’hésitation d’un homme qui n’a pas une connaissance très sûre des choses dont il parle : « — Ce que je veux dire, c’est qu’on pourrait peut-être envisager un nouvel accroissement technique de toute notre vie, tel qu’il s’est produit après l’époque de la machine à vapeur, après celle de l’industrie électrique, après celle du moteur et de l’industrie chimique ? »
Je fis remarquer que Lawaczek pensait précisément que l’époque des grandes révolutions techniques était révolue et que c’était justement pour cela qu’il en était arrivé à sa théorie assez peu originale de l’accumulation à bon marché de l’énergie électrique au moyen de la production électrolytique de l’hydrogène et de la construction systématique de barrages comme moyens de production économique du courant électrique.
— « Les ingénieurs sont des fous, coupa brutalement Hitler. Ils ont parfois une idée qui pourrait être utilisée, mais qui devient une folie lorsqu’on la vulgarise. Lawaczek n’a qu’à construire ses turbines, mais qu’il n’aille pas chercher les moyens de provoquer un essor économique. Ne vous embarquez pas avec lui. Je connais son dada. Messieurs, tout cela n’est que fadaises. Le monde ne se répète jamais. Ce qui était bon au XIX e siècle ne vaut rien pour le XX e . Les découvertes ne viennent plus d’elles-mêmes par un coup de chance. Aujourd’hui, elles dépendent de nous. Nous sommes en mesure de calculer quand on peut attendre des découvertes, et dans quel domaine. On en fait d’ailleurs continuellement, et c’est de nous qu’il dépend de les développer. Mais le hic est que, justement, nous ne les développons pas. Nous passons à côté des possibilités. Tout est une question de volonté. De nos jours, il n’est plus possible de laisser les choses aller d’elles-mêmes. Les pays qui sont riches, qui possèdent tout, n’ont pas besoin de nouvelles découvertes. À quoi bon ? Au contraire, elles les gênent. Ils veulent continuer à gagner suivant les vieilles méthodes. Ils veulent dormir, ces peuples riches, l’Angleterre, la France, l’Amérique. Lawaczek a raison en un sens : il faut produire méthodiquement ce qui, autrefois, naissait de la
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