Hitler m'a dit
m’offrir Dantzig en cas de besoin. » Je répondis que s’il en était ainsi le gouvernement actuel de Dantzig n’offrirait que des garanties insuffisantes pour la sécurité du parti et de son action politique, si le Reich l’interdisait, toutefois il y avait peu de chance d’extradition pour motif politique.
« Forster, il faut encore réfléchir pour voir s’il ne vaudrait pas mieux rester en bons termes avec le gouvernement actuel de Dantzig, plutôt que de pousser à des élections dont les résultats ne nous donneraient pas la direction exclusive. » Forster réfléchissait. « — À quelle date pourriez-vous être prêts pour les nouvelles élections ? » demanda Hitler. – « Pas avant la fin de l’automne », répondit Forster. Hitler haussa les épaules : « Trop tard pour moi. »
Il y eut ensuite une discussion assez longue sur les possibilités d’une nouvelle consultation électorale et sur les chances de faire admettre au gouvernement d’alors l’installation du quartier général d’Hitler à Dantzig. Je crus ne pas devoir cacher que si le parti et les S.A. étaient interdits en Allemagne, il était très vraisemblable qu’une mesure analogue serait prise à Dantzig, parce que ce serait pour les membres de ce gouvernement de minorité l’occasion la plus favorable de se débarrasser de leurs gardiens. L’opinion d’Hitler sur l’ensemble de la situation me surprenait considérablement. J’appris par la suite qu’en effet, le gouvernement allemand avait envisagé le principe de l’interdiction du parti national-socialiste et qu’il ne l’avait ajournée que provisoirement et sur la pression de la Reichswehr. La lutte illégale intéressait Hitler, elle l’attirait parce qu’il se promettait de trouver de nouveaux stimulants dans l’illégalité. Il avait l’intention de la mener brutalement et sans aucun scrupule. Hitler proclama « son indomptable volonté » de tirer plein avantage d’une persécution possible : c’est justement l’interdiction du parti qui assurerait rapidement son triomphe total. Mais il tenait à conserver les mains libres et il ne fallait pas qu’il fût sous la surveillance de la police.
Nous n’arrivâmes à aucun résultat précis : Dantzig, la ville libre, transformée en terre d’asile du parti national-socialiste, de nouveau traqué, de nouveau illégal, cette idée resta à l’état de projet confus. Il ne fut pas néanmoins nécessaire de prendre une décision, car le gouvernement de Papen préféra ne pas donner suite à ses velléités d’interdiction. Dans tous les cas, au moment où Dantzig est le point central de la crise politique mondiale {1} , il est assez piquant de rappeler que l’indépendance de Dantzig a, au moins une fois, été désirée par Hitler et qu’il a eu l’intention d’utiliser cette indépendance pour sa propre sécurité.
La conversation dévia sur la situation dangereuse en Prusse Orientale. Il circulait des bruits sur une attaque possible de la part de la Pologne. Hitler manifesta une joie haineuse a propos de la tension qui s’aggravait entre Berlin et Varsovie. Cette attitude était déjà conforme à celle qu’il devait prendre bientôt en Poméranie, où le parti local déclara qu’une agression de la Pologne contre la Prusse Orientale, Dantzig ou la Poméranie n’intéressait pas les chemises brunes, et qu’elles se contenteraient de rester dans l’expectative.
Ce n’est pas la première fois qu’Hitler prit soin de fournir contre lui-même la preuve que l’intérêt de son parti passait bien avant les intérêts nationaux.
Nous parlâmes ensuite de la guerre future, des armements secrets et des mesures de protection du Reich. Déjà à cette époque, Hitler considérait favorablement les chances d’une guerre isolée contre la Pologne. Il avait une opinion aussi piètre que possible du soldat polonais. À son avis, c’était le soldat le plus mauvais du monde, et il le plaçait sur le même pied que le soldat roumain et le soldat italien. Mais il se défendait de vouloir lancer son gouvernement dans une guerre quelconque, fût-ce même contre la Pologne. Au contraire, il voulait alors éviter tout ce qui pouvait attiser les foyers de conflit. Pour sa part, il était même disposé à signer un traité avec la Pologne : « Nous devons d’abord devenir forts. Le reste viendra tout seul. J’irai par étapes. Jamais deux choses à la fois. N’oubliez jamais cela,
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