Hitler m'a dit
dirigeants du parti commencèrent à me considérer comme un suspect. Je reçus du secrétariat de Hess un coup de téléphone brutal m’interdisant désormais toute immixtion dans les questions concernant les Allemands de l’étranger et surtout ceux de Pologne. Un peu plus tard, un télégramme de félicitations que j’avais adressé à l’ancien Chancelier von Papen à l’occasion de son célèbre discours de Marbourg, fut intercepté et transmis au parti en violation du secret postal.
Ce discours semblait annoncer la contre-révolution et avait été accueilli avec un soupir de soulagement par tous ceux d’entre nous qui voyaient où nous conduisait Hitler. Papen constituait encore un espoir ; je reviendrai sur ce point.
Une dernière fois, j’eus l’occasion de traiter le problème des Allemands de l’étranger. C’était peu de temps avant ma démission, à l’automne de la même année. Une réunion des représentants du Germanisme à l’étranger s’était terminée par une excursion à Dantzig. J’avais invité la plupart de ces représentants. Contrairement aux vues d’Hitler, je les accueillis en leur disant que seul un national-socialisme adapté à la situation spéciale du germanisme à l’étranger, était possible au delà des frontières du Reich. Je leur parlai de l’espoir que je fondais sur un national-socialisme « purifié ». Cette parole fut entendue. Elle fut inscrite à Berlin sur le tableau noir. Les plus vieux et les plus dignes représentants du germanisme à l’étranger capitulaient. Ils continuaient à rivaliser avec les jeunes à qui mériterait davantage le certificat de docilité hitlérienne.
J’ai eu enfin une dernière occasion d’intervenir en faveur des Allemands de l’étranger, ou tout au moins de nos minorités de l’Est. C’était à mon retour de Genève, où Beck, le ministre polonais des Affaires étrangères, avait dénoncé pour ainsi dire publiquement le traité sur la protection des minorités. Faute lourde de conséquences pour la Pologne. N’est-ce pas Clemenceau lui-même qui, dans une correspondance échangée avec le président Paderewski, lui avait expliqué que la clause de protection constituait une partie intégrante du traité de paix et l’une des garanties fondamentales des nouvelles frontières polonaises ?
Je voulus faire part de mes inquiétudes au baron von Neurath, qui était alors notre ministre des Affaires étrangères. Je lui fis voir les dangers de cette nouvelle politique de Beck. Elle nous entraînait nous-mêmes dans une fausse direction. Nous allions perdre les avantages acquis, retourner en arrière. Neurath, mieux placé pourtant que moi pour saisir ce danger, le contesta.
Je compris qu’il était gagné, lui aussi, à la thèse hitlérienne de la caducité du droit international et de l’élasticité des accords, et convaincu de la nécessité d’une « guerre totale » en vue de l’hégémonie. Les traités pour la protection des minorités, me dit-il, n’avaient jamais apporté de bénéfices réels aux minorités elles-mêmes, il se faisait fort, en quelques entretiens avec son collègue Beck, d’obtenir plus d’avantages pour les Allemands résidant en Pologne, qu’il n’aurait jamais pu le faire par la S.D.N. Je lui répondis qu’à mon avis la construction d’un nouvel instrument juridique était en elle-même un avantage et marquait un progrès même si elle n’apportait pas des succès immédiats.
Je pris occasion de cet entretien pour lui demander si l’Allemagne comptait rentrer dans la S.D.N., et, dans l’affirmative, vers quelle époque. Neurath eut un rire impatient et me déclara qu’avant ce retour il coulerait beaucoup d’eau sous les ponts de Genève.
XXV
HITLER
DEVANT LA REICHSWEHR
Ce baron de Neurath n’appartenait pas à la noblesse d’épée prussienne, si décriée pour son manque de culture. C’était un représentant de l’aristocratie de l’Allemagne du Sud, qui passe pour avoir une certaine teinture de civilisation européenne. Neurath m’avait invité à déjeuner, au printemps de 1934. Me frappant sur l’épaule, avec sa jovialité coutumière, il m’avait dit : « Laissez-les s’user ! Dans cinq ans, personne n’en parlera plus. » Je lui avais fait part de mes réflexions sur la tournure des événements : il me semblait que l’Allemagne courait à la catastrophe. Neurath n’était pas du tout de cet avis. Son tempérament optimiste
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