Hitler m'a dit
des conseils officiels de gouvernement on tint des séances secrètes dont j’étais exclu et dans lesquelles les décisions gouvernementales étaient amendées ou même annulées. Bien que les dimensions de l’État de Dantzig fussent minuscules il s’y posait en somme les mêmes problèmes que ceux que le Reich allemand avait à résoudre sous la dictature national-socialiste. Dans toute l’Allemagne régnait la même confusion qu’à Dantzig. Et pourtant, à Dantzig aussi bien que dans le Reich, il existait, pour peu qu’on le voulût, des possibilités de débrouiller cette confusion : il suffisait de laisser prévaloir peu à peu les forces réelles et vivantes dans tous les domaines importants, dans l’économie, dans la politique et la situation militaire. En dépit de mon isolement, j’essayais donc de poursuivre mon travail. Ce qui m’y incitait surtout, c’était la situation diplomatique de Dantzig qui menaçait de s’aggraver.
Néanmoins, mes collègues du gouvernement et du parti continuaient à lutter contre moi comme si j’avais été le seul obstacle à l’assimilation de Dantzig au Reich. Ils se plaignaient de moi auprès de Hess et d’Hitler lui-même. Ils donnaient comme prétexte que je m’éloignais du parti et que je prenais une attitude hostile à son égard, de sorte que je ne possédais plus la confiance de la population. Il y eut quelques tentatives de conciliation en présence de Hess. J’offris ma démission et me déclarai prêt à accepter n’importe quel autre poste, si le Gauleiter Forster voulait bien me succéder à la présidence et prendre la responsabilité entière du gouvernement. Je déclarai à Hess que cette responsabilité ne tarderait pas à contraindre Forster de s’incliner devant les réalités et d’adopter la même politique que moi. Hess me répondit qu’Hitler n’acceptait jamais, sous aucun prétexte, une retraite volontaire. Il ajouta qu’il était de mon devoir de m’entendre avec le parti. Mais Forster me fit savoir, avec la franchise brutale à laquelle cette catégorie de politiciens retors se laisse toujours entraîner, qu’il ne pensait pas le moins du monde à « saloper son avenir ».
Finalement l’affaire fut soumise à Hitler lui-même. Il la considéra comme assez importante pour convoquer et interroger tous les sénateurs dantzikois. Le seul grief sérieux qu’il put recueillir fut, comme le dit plus tard mon successeur, que je croyais réellement à la possibilité d’une entente germano-polonaise, au lieu de la considérer comme un simple expédient provisoire. Ma présence ne fut d’ailleurs pas admise à ces interrogatoires et on ne me donna jamais non plus la possibilité de me défendre contre telle ou telle accusation. Hitler prit les choses autrement et me convoqua tout seul. C’était en février 1934. J’étais invité à me justifier. Je le fis, en traçant un large exposé des conditions particulières à la politique de Dantzig et en mettant en parallèle le programme que je m’étais fixé et les aspirations confuses du parti.
Mais Hitler commença par me reprocher d’exiger une sorte de pouvoir en blanc pour avoir toute latitude de gouverner à ma guise. Si la politique était une chose si simple qu’elle pût être menée en tenant compte des seules difficultés objectives, c’eût été trop facile et l’on aurait pu se contenter de techniciens. Malheureusement, dit-il, il fallait avant tout compter avec les faiblesses humaines, avec la malveillance et l’incompréhension. De la malveillance systématique, il n’y en avait pas dans le parti. Est-ce que, par hasard, je prétendrais le contraire ? Tous ceux qui, à l’époque où nous étions, assumaient une responsabilité politique dans le cadre du national-socialisme devaient se représenter à quel point ils se trouvaient privilégiés par rapport aux politiciens de la république de Weimar, qui avaient dû faire face non seulement à l’incompréhension, mais encore à la malveillance de tous. Un des plus grands bienfaits du national-socialisme était justement d’avoir éliminé ce facteur qui empoisonnait la vie de toute la nation, la rancune haineuse des groupes politiques jaloux les uns des autres, qui ne s’inquiétaient nullement d’accomplir une tâche positive, mais ne travaillaient que pour leur profit particulier :
— « Le parti est bienveillant. Le parti comprend tout. Il s’agit simplement de lui expliquer ce qu’on
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