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Hommage à la Catalogne

Hommage à la Catalogne

Titel: Hommage à la Catalogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: George Orwell
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qu’il valait la peine de gagner la guerre, même si la révolution devait être perdue. Mais en dernier lieu et à la longue j’en vins à douter que la politique communiste menât à la victoire. Il semble que peu de gens aient réfléchi qu’il convient d’appliquer à chacune des différentes phases de la guerre une politique différente et appropriée. Vraisemblablement les anarchistes ont sauvé la situation pendant les deux premiers mois, mais ils étaient incapables, au-delà d’un certain point, d’une résistance organisée. Vraisemblablement les communistes ont sauvé la situation d’octobre à décembre, mais quant à gagner complètement la guerre, c’était une tout autre histoire ! En Angleterre, la politique de guerre des communistes a été acceptée sans discussion, parce qu’on n’a autorisé la publication que de bien peu de critiques à son endroit, et parce que sa ligne générale – en finir avec le chaos révolutionnaire, accélérer la production, militariser l’armée – faisait l’effet d’être réaliste et efficace. Il vaut donc d’en souligner la faiblesse inhérente.
    Afin d’entraver toute tendance révolutionnaire et de rendre la guerre aussi semblable que possible à une guerre ordinaire, il leur fallut forcément laisser se perdre des occasions stratégiques qui existaient. J’ai décrit notre armement, ou plutôt notre manque d’armement, sur le front d’Aragon. Il ne fait guère de doute que les communistes retinrent délibérément les armes de crainte qu’il n’en allât trop aux mains des anarchistes qui, ultérieurement, s’en serviraient pour atteindre un but révolutionnaire ; en conséquence la grande offensive d’Aragon qui eût obligé Franco à se retirer de Bilbao, et peut-être de Madrid, ne fut jamais déclenchée. Mais cela était, relativement, de peu d’importance. Ce qui fut beaucoup plus grave, c’est qu’une fois la guerre rétrécie aux limites d’une « guerre pour la démocratie », il devenait impossible de faire aucun appel sur une vaste échelle à l’aide de la classe ouvrière des autres pays. Si nous regardons les faits en face, il nous faut avouer que la classe ouvrière mondiale a considéré la guerre d’Espagne avec détachement. À titre individuel, des dizaines de milliers d’hommes sont venus combattre, mais les dizaines de millions qui étaient derrière eux restèrent indifférents. On a calculé que durant la première année de la guerre, pour l’ensemble du peuple anglais, il a été souscrit aux divers fonds de l’« Aide à l’Espagne » pour environ 250 000 livres – moitié moins, vraisemblablement, que ce qui a été dépensé en une seule semaine à aller au cinéma. C’est par l’action économique – grèves et boycottages – que les ouvriers, dans les pays démocratiques, eussent pu aider efficacement leurs camarades espagnols. Mais rien dans ce sens ne fut même tenté. Partout les leaders travaillistes et communistes déclarèrent qu’il n’y fallait pas songer ; et ils avaient évidemment raison, aussi longtemps qu’ils criaient également de toutes leurs forces que l’Espagne « rouge » n’était pas « rouge ».
    Depuis 1914-1918, cela sonne sinistrement : « guerre pour la démocratie ». Des années durant, les communistes venaient eux-mêmes d’enseigner dans tous les pays aux militants ouvriers que « démocratie » n’était qu’un nom poli donné au capitalisme. Commencer par dire : « La démocratie est une escroquerie », et venir dire maintenant : « Battez-vous pour la démocratie », ce n’est pas une bonne tactique. Si, ayant derrière eux l’immense prestige de la Russie soviétique, ils avaient fait appel aux ouvriers de tous les pays, non pas au nom de l’« Espagne démocratique », mais au nom de l’« Espagne révolutionnaire », comment croire qu’ils n’eussent pas été entendus ?
    Mais ce qu’il y eut encore de plus grave, c’est qu’avec cette politique non révolutionnaire, il était difficile, sinon impossible, de frapper à l’arrière de Franco. À l’été de 1937, Franco tenait sous sa domination une population plus importante que le gouvernement – beaucoup plus importante, si l’on compte les colonies –, et cela avec des effectifs militaires à peu près équivalents. Comme tout le monde le sait, si l’on a une population hostile dans le dos, il est impossible de maintenir l’armée sur le champ de

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