Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Hommage à la Catalogne

Hommage à la Catalogne

Titel: Hommage à la Catalogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: George Orwell
Vom Netzwerk:
bataille à moins d’avoir une autre armée tout aussi nombreuse pour garder les voies de communication, empêcher les sabotages, etc. Il est donc clair qu’il ne se produisit à l’arrière de Franco aucun véritable mouvement populaire. Il n’était cependant pas croyable que sur son territoire le peuple, les ouvriers des villes et les paysans les plus pauvres en tout cas, aimaient et voulaient Franco ; seulement, à chacun des glissements du gouvernement vers la droite, les raisons de le préférer devenaient moins évidentes. C’est irréfutable, le cas du Maroc suffit à le montrer. Pourquoi n’y eut-il pas de soulèvement au Maroc ? Franco tentait d’y établir une dictature odieuse, et les Maures l’auraient réellement préféré au gouvernement de Front populaire ! La vérité manifeste, c’est qu’aucun effort ne fut tenté pour fomenter un soulèvement au Maroc, car c’eût été greffer une réalisation révolutionnaire sur la guerre. La première chose qu’il eût fallu faire pour convaincre les Maures de la bonne foi du gouvernement, c’était proclamer aussitôt la libération du Maroc. Et nous pouvons imaginer si c’eût été agréable à la France ! La meilleure occasion stratégique de la guerre fut donc négligée dans le vain espoir d’apaiser le capitalisme français et britannique. La politique communiste tendit toute à restreindre la guerre à la mesure d’une guerre ordinaire, non révolutionnaire, guerre pour laquelle le gouvernement se trouvait sérieusement handicapé. Car une guerre de cette sorte exige d’être gagnée par des moyens matériels ; autrement dit, en fin de compte, par une fourniture illimitée d’armes ; or, le principal fournisseur d’armes du gouvernement, l’U.R.S.S., était, géographiquement, très désavantagé par rapport à l’Italie et à l’Allemagne. Peut-être le mot d’ordre du P.O.U.M. et des anarchistes, « la guerre et la révolution ne doivent pas être séparées », était-il moins le fait d’un songe-creux qu’il ne le paraissait tout d’abord.
    J’ai indiqué mes raisons de penser que la politique antirévolutionnaire des communistes était une erreur ; mais, dans la mesure même où de cette politique dépend l’issue de la guerre, je souhaite ardemment de me tromper. Oui, puissé-je me tromper ! Par quelque voie qu’elle soit obtenue, je souhaite la victoire dans cette guerre. Il n’est naturellement pas possible de prédire actuellement ce qui arrivera. Il est de l’ordre des choses possibles que le gouvernement opère de nouveau une conversion vers la gauche, que les Maures se soulèvent de leur propre initiative, que l’Angleterre décide d’acheter le retrait de l’Italie, que la guerre soit gagnée par des moyens uniquement militaires – comment savoir ! J’ai exprimé mon opinion ; le temps se chargera de montrer jusqu’à quel point j’étais dans la vérité ou dans l’erreur.
    Mais en février 1937 je ne voyais pas les choses tout à fait sous ce jour. J’étais malade d’inaction sur le front d’Aragon, et j’avais conscience surtout de n’avoir pas pris suffisamment part au combat. Je songeais souvent à cette affiche de recrutement à Barcelone qui interrogeait les passants d’une manière accusatrice : « Qu’avez-vous fait, vous , pour la démocratie ? » et je sentais que tout ce que j’aurais pu répondre, c’était : « J’ai touché mes rations. » En m’engageant dans les milices je m’étais promis de tuer un fasciste – après tout, si seulement chacun de nous en tuait un, la race en serait vite éteinte – et je n’en avais encore tué aucun, c’est à peine si j’en avais eu l’occasion. Et naturellement, je souhaitais d’aller à Madrid. Personne dans l’armée, quelle que fût son opinion politique, qui ne souhaitât d’être sur le front de Madrid. Pour cela il serait probablement nécessaire de passer dans les Brigades internationales, car le P.O.U.M. n’avait à présent que très peu de troupes à Madrid et les anarchistes moins qu’au début.
    Pour le moment, naturellement, je devais rester là où j’étais sur le front, mais j’annonçai à tous mon intention, lorsque nous irions en permission, de demander à être muté, si possible, dans les Brigades internationales. Ce serait me placer sous la direction des communistes. Aussi plusieurs de mes camarades essayèrent de m’en dissuader, mais personne ne tenta d’intervenir. C’est

Weitere Kostenlose Bücher