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Hommage à la Catalogne

Hommage à la Catalogne

Titel: Hommage à la Catalogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: George Orwell
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inextirpables. Avec la chute du gouvernement Caballero, les communistes étaient nettement arrivés au pouvoir ; la charge de l’ordre intérieur était à présent aux mains de ministres communistes et il ne faisait de doute pour personne qu’ils écraseraient leurs rivaux politiques dès que la moindre occasion leur en serait fournie. Il ne se passait rien encore – personnellement je ne me représentais même pas du tout ce qui allait se passer – et cependant l’on avait continuellement le sentiment vague d’un danger, conscience d’une menace. Forcément on avait, dans une telle atmosphère, l’impression d’être un conspirateur, si peu qu’on le fût en réalité. Il semblait qu’on passât tout son temps à s’entretenir à voix basse avec quelqu’un dans les coins des cafés, en se demandant si cette personne à une table voisine était un espion de la police.
    Il courait, par suite de la censure des journaux, toutes sortes de bruits alarmants. Celui, entre autres, que le gouvernement Negrín-Prieto projetait de terminer la guerre par un compromis. J’inclinais alors à le croire, car les fascistes étaient en train de cerner Bilbao et visiblement le gouvernement ne faisait rien pour sauver cette ville. On déployait bien partout des drapeaux basques, de jeunes quêteuses faisaient tinter des troncs dans les cafés et il y avait les habituelles émissions au sujet des « défenseurs héroïques », mais les Basques n’obtenaient aucun secours véritable. On était tenté de croire que le gouvernement menait double jeu. Sur ce point je me trompais absolument, les événements ultérieurs l’ont prouvé ; toutefois il semble qu’on eût probablement pu sauver Bilbao en déployant un peu plus d’énergie. Une offensive sur le front d’Aragon, même non couronnée de succès, eût forcé Franco à détourner une partie de son armée ; or le gouvernement ne donna l’ordre d’attaquer que lorsqu’il était déjà bien trop tard – en fait, à peu près au moment où Bilbao tomba. La C.N.T. diffusa largement un tract qui recommandait : « Tenez-vous sur vos gardes », en laissant entendre que « certain parti » (faisant par là allusion aux communistes) complotait un coup d’État. Un autre sentiment universellement répandu était la crainte que la Catalogne ne se trouvât sur le point d’être envahie. Quelque temps auparavant, en remontant au front, j’avais vu les puissants ouvrages de défense que l’on construisait à pas mal de kilomètres en arrière des premières lignes, et les nouveaux abris contre les bombes que l’on creusait tout autour de Barcelone. Les alertes de raids aériens et maritimes étaient fréquentes, fausses le plus souvent, mais le cri strident des sirènes plongeait chaque fois la ville pour des heures de suite dans l’obscurité et les gens peureux s’engouffraient dans les caves. La police avait des espions partout. Les prisons étaient encore bondées de détenus dont l’arrestation remontait aux troubles de mai, et elles continuaient à en absorber d’autres – toujours naturellement des anarchistes et des membres du P.O.U.M. – qui disparaissaient, par un ou deux à la fois. Personne, pour autant qu’on pût s’en rendre compte, ne passait jamais en jugement, ni même n’était inculpé – pas même accusé de quelque chose d’aussi précis que d’être « trotskyste » ; on était tout bonnement jeté et gardé en prison, habituellement incomunicado. Bob Smillie était toujours incarcéré à Valence. Nous ne pûmes rien apprendre, si ce n’est que ni le délégué local de l’I.L.P. ni l’avocat engagé n’avaient la permission de le voir. On emprisonnait de plus en plus d’étrangers des Brigades internationales et des autres milices. En général ils étaient arrêtés en tant que déserteurs. C’était un trait caractéristique de l’état de choses que personne à présent ne savait avec certitude s’il fallait considérer un milicien comme un volontaire ou comme un soldat régulier. Quelques mois plus tôt, à tout homme s’enrôlant dans les milices on avait dit qu’étant un volontaire il pourrait toujours, s’il le désirait, obtenir son certificat de démobilisation à chaque fois que ce serait pour lui le moment de partir en permission. Le gouvernement semblait maintenant avoir changé d’avis et considérer un milicien comme un soldat régulier que l’on portait déserteur s’il essayait de

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