Iacobus
lieu de trois entailles, il y en
avait eu deux ?
— Cela signifie « détour » ou
« raccourci » ou « refuge » ou « chapelle » si
vous voulez prier avant de sortir.
— Et une seule entaille ?
— Ne suis jamais une galerie ainsi
indiquée, dit Sara d’un ton soudain sérieux, la voix empreinte de gravité. Tu
ne reviendrais jamais.
— Pourquoi ?
— Une seule entaille peut signifier
« piège », « impasse » ou... « mort ». Si nous
devions nous séparer pour une raison ou pour une autre, suivez toujours les
galeries qui ont trois entailles ou deux. Jamais, vous m’entendez, jamais
celles qui n’en ont qu’une. Si tous les passages étaient marqués d’une seule
encoche, rebroussez chemin jusqu’à l’intersection antérieure et choisissez de
nouveau la moins mauvaise des directions.
Ce couloir interminable débouchait sur une salle
vide qui comportait seulement une sortie à droite. Impressionné par la grandeur
de ce lieu et par les ténèbres qui nous entouraient, je m’en approchai
lentement et poussai un soupir de soulagement en voyant la triple entaille. Il
nous fallut tourner à gauche avant de continuer. Sur la droite, sept entrées de
galeries portaient une seule entaille. Je les évitai, mais arrivés au bout du
tunnel, alors que nous entrions dans une salle un peu plus petite que la
précédente, je m’arrêtai, stupéfait : l’endroit ne comportait aucune
sortie.
— Et maintenant ? s’écria Jonas. Vous
disiez pourtant que c’était le bon chemin.
— En effet, dit-elle, j’étais sûre... Je ne
comprends pas...
Elle s’empara de la torche d’un geste vif et
s’attela à l’examen des parois courbes, les tâtant avec la paume de sa main,
remuant la terre avec les pieds.
— Il y a quelque chose ici !
s’exclama-t-elle soudain. Regardez !
Je me penchai avec Jonas au-dessus du petit
espace que Sara avait dégagé avec ses sandales. Un dessin plus petit que la
paume de ma main et très finement exécuté représentait un coq, le cou étiré et
le bec ouvert sur le point de chanter. J’eus immédiatement une sensation de
familiarité et me rappelai aussitôt l’endroit où j’avais vu une image
identique.
— Qu’est-ce que cela signifie ? demanda
Jonas en fronçant les sourcils.
— La symbolique du coq est multiple, lui
expliquai-je tout en posant ma besace par terre pour en sortir la trousse des
remèdes que j’avais préparés, et qui pour le moment m’avaient uniquement servi
à concocter le purgatif grâce auquel je m’étais débarrassé du vieux Personne à
Najera. Par sa relation avec l’aube, continuai-je, le coq symbolise la victoire
de la lumière sur les ténèbres. Pour les Grecs, les Romains et quelques peuples
d’Orient, il représente la combativité, la lutte et le courage. Pour les
chrétiens, c’est un symbole de la résurrection et du retour du Christ.
Tout en parlant, je posai par terre les petits
sacs contenant les herbes curatives puis en dénouai les cordons pour les vider
sans me préoccuper de leur contenu. Mes deux compagnons me regardaient faire
d’un air ébahi.
— On peut savoir ce que vous êtes en train
de fabriquer ? parvint finalement à me demander Sara.
— Tu te souviens, Jonas, du rouleau de cuir
avec le sceau Templier que nous avons trouvé dans la crypte de San Juan de
Ortega ?
— Oui, vous l’avez pris pendant que nous
nous échappions.
— Eh bien, le jour où je suis resté seul à
Burgos en attendant de tes nouvelles, je me suis soudain souvenu que je ne
l’avais pas encore examiné, et j’ai rompu le sceau. Le parchemin de cuir était
couvert de dessins mystérieux accompagnés de brefs textes latins écrits en
lettres wisigothiques. L’en-tête était un verset de l’Évangile de
Matthieu : « Nihil enim est opertum quod non revelabitur aut occultum
quod non scietur. Rien n’est si caché que l’on ne puisse le
découvrir ni si secret qu’il ne puisse être connu. » À cette époque, bien
sûr, cela me parut incompréhensible, mais j’étais néanmoins certain qu’il
s’agissait de quelque chose d’important que je devais conserver. Comme le comte
Geoffroy ne m’inspirait aucune confiance, je réfléchis à un moyen de le cacher
sans éveiller les soupçons. J’ai ainsi coupé le parchemin en plusieurs morceaux
de taille égale à celle des sacs que j’utilisais pour garder mes herbes et j’ai
remplacé les vieux sacs par les
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