Iacobus
pourquoi nous en priver,
avaient-ils dû penser.
Grâce à la faible lueur qui filtrait par les
gros barreaux de la porte, je parvins à voir Sara et Jonas qui gisaient,
inconscients, au fond du cachot sur des tas de paille. Je m’approchai tant bien
que mal de mon fils pour ausculter son pouls. Je fis de même pour Sara, puis,
sans m’en rendre compte, me laissai tomber à ses côtés et nichai mon visage
dans son cou.
Bien plus tard, quand je me réveillai de
nouveau, la jeune femme qui s’était écartée pour mieux me regarder me demanda
en murmurant :
— Comment vous sentez-vous ?
Je ne sus que répondre. Je me demandai un
instant si elle m’interrogeait sur mon état ou sur la commodité de ma position,
allongé contre elle. Je me redressai, me sentant pris au piège et incertain,
mais il m’en coûta beaucoup de me séparer d’elle.
— J’ai horriblement mal à la tête, mais à
part ça, je me sens bien. Et vous ?
— Ils m’ont frappée moi aussi, dit-elle en
portant sa main au front. Mais ça va, je n’ai rien de cassé, aussi ne vous
inquiétez pas.
— Jonas ! appelai-je.
Il ouvrit un oeil et me regarda.
— Je crois que... Je ne pourrai plus jamais
bouger, balbutia-t-il en gémissant.
— Voyons cela. Lève une main. Bien.
Maintenant tout le bras. Parfait. Et maintenant essaye de bouger une de ces
jambes qui ne marcheront plus jamais. Splendide ! Tu vas très bien. Je ne
peux pas examiner ton iris parce qu’il n’y a pas de lumière, mais j’ai toute
confiance en ta robuste constitution.
— Nous devrions essayer de trouver un moyen
de sortir d’ici, dit Sara avec impatience.
— Nous ne savons même pas où nous nous
trouvons.
— Il est clair que c’est un cachot
souterrain. Ce lieu ne ressemble pas vraiment à un palais !
Je m’approchai de la porte et à travers les
barreaux examinai l’extérieur.
— Cette galerie est si longue que je ne
peux en voir le bout, et la torche qui nous éclaire est à moitié consumée.
— Quelqu’un viendra la changer.
— N’en soyez pas si sûre.
— Je refuse de croire qu’on nous destine
une fin si cruelle.
— Vraiment ? laissai-je échapper avec
sarcasme. Alors souvenez-vous du pape Clément, du roi Philippe le Bel, du garde
des Sceaux Nogaret, du frère de San Juan de Ortega, et du malheureux comte
Geoffroy !
— C’est différent. Ils ne nous laisseront
pas mourir, croyez-moi.
— Vous avez une bien grande confiance dans
la vertu des Templiers.
— J’ai grandi dans la forteresse du Marais,
je vous le rappelle, et les Templiers m’ont sauvé la vie. Je les connais mieux
que vous. Et je suis sûre que d’ici peu quelqu’un viendra changer la torche.
J’espère que l’on nous apportera aussi de quoi manger.
— Et si cela ne se passe pas ainsi ?
demanda Jonas, terrorisé.
— Dans ce cas, Jonas, lui répondis-je, nous
nous préparerons à bien mourir.
— Allons ! intervint Sara d’un ton
réprobateur, cessez de terroriser votre fils avec ces bêtises. Ne t’inquiète
pas, Jonas, nous nous en sortirons.
Il ne restait plus grand-chose à faire sinon
attendre l’arrivée d’un être vivant à travers cette galerie silencieuse.
J’ébauchai différents projets d’évasion : attaquer nos geôliers ;
creuser un tunnel dans le mur qui était de terre argileuse, même si cela devait
nous demander des semaines de pénible labeur... Mais il valait peut-être mieux
commencer par nous attaquer aux gonds de la porte. En l’observant, je réalisai
que la sécurité de notre enfermement était le cadet des soucis des Templiers.
Cette porte était une invitation à la fuite. Mais si je fus assez surpris en découvrant
la facilité avec laquelle ce panneau de bois pouvait être détruit, ma surprise
fut plus grande encore quand j’entendis le bruit d’une clé qu’on tournait et
vis Personne s’avancer vers nous, les bras chargés d’un plateau. Jonas lui
lança un regard plein de ressentiment et lui tourna le dos de façon
ostentatoire.
Deux frères servants, habillés de leurs bures
noires de Templiers de rang inférieur, accompagnaient Personne qui nous regarda
avec curiosité puis examina notre cellule. Sur un geste de sa main, un des
domestiques s’occupa de changer la paille et de balayer le sol. L’autre déposa
avec soin devant Sara le plateau rempli de mets (du pain blanc, une marmite de
bouillon, du poisson fumé, des poireaux frais, et une amphore de vin). Puis
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