Il était une fois le Titanic
avec quelques froissements de tôle à l’étrave, presque invisibles à l’œil nu. Mais sa renommée risquait d’être entamée par un mauvais procès. C’est ainsi que, dès le mois de juillet, une étude du Scientific American émettait un doute sur la capacité de résistance des derniers-nés de la White Star. L’occasion était trop belle pour que les États-Unis se privent de lancer une attaque en règle contre le pavillon britannique en ces temps de guerre économique et commerciale dans le transport maritime. Il n’y avait évidemment pas lieu de faire une telle publicité à l’événement, somme toute mineur, qui avait par ailleurs prouvé la solidité des tôles d’acier utilisées par le constructeur, mais le doute s’était insinué dans les esprits
sur la capacité des hommes à dompter ce nouveau géant des mers.
À bord de l’ Olympic , le guaranteed group , conduit par l’ingénieur Thomas Andrews, avait noté scrupuleusement tout ce qui pouvait être amélioré, tant sur le plan technique que d’un simple point de vue esthétique. Leur but était de corriger les défauts de jeunesse susceptibles de nuire à la bonne marche du navire et de compromettre le bien-être des passagers. L’écrivain Max Allan Collins ironisera sur l’assurance des concepteurs en faisant dire à Joseph Ismay, à propos des modifications à apporter au paquebot, que les patères des cabines de première classe étant trop solidement fixées, la compagnie aurait pu faire des économies sur les vis 85 … Le romancier caricaturait à peine car le patron de la White Star ne releva que des insuffisances mineures, telles que l’absence en cuisine d’une presse à pommes de terre et le manque de cendriers dans les salles de bains ! Pour être exact, quelques améliorations plus substantielles seront portées à la connaissance du chantier par Thomas Andrews, afin que le Titanic bénéficie de cabines plus vastes à destination de la clientèle de première classe, d’un restaurant français susceptible d’accueillir un plus grand nombre de convives et, surtout, d’une fermeture partielle du pont-promenade supérieur, jugé trop exposé au vent. Cette structure extérieure serait le seul moyen, pour le public, de différencier les deux navires.
Durant tout l’été, l’ Olympic effectua des traversées qui firent oublier l’incident du remorqueur. Les passagers étaient au rendez-vous et la White Star Line pouvait légitimement s’enorgueillir de ce succès. Lors de la troisième desserte, un observateur de la Cunard, qui travaillait à la conception de l’ Aquitania , fit le voyage afin de mesurer ce qui faisait la réussite des paquebots de son concurrent. Jusqu’au jour où un nouveau revers vint le mettre à mal pour la seconde fois.
Le 20 septembre 1911, au départ de Southampton pour sa cinquième traversée, l’ Olympic , déjà retardé par un mouvement de grève des chauffeurs, fut victime d’une collision avec le croiseur Hawke de la Royal Navy dans le canal de Spithead. Certains témoignages affirmèrent que le capitaine de frégate Blunt avait imprudemment navigué sur le tribord de l’ Olympic en tentant de le rattraper. D’autres infirmaient cette assertion en assurant que le paquebot avait littéralement aspiré le croiseur en naviguant à trop grande vitesse et beaucoup trop près de lui : les trois hélices du paquebot avaient provoqué un tel effet de succion que le vieux bâtiment de guerre n’avait pu s’en dégager…
Walter Lord rapporte que les deux navires filaient tous deux à plus de 15 nœuds lorsque le croiseur avait décidé de doubler le paquebot. Ensuite, pour une raison indéterminée, le commandant de la Navy aurait viré de bord et foncé sur l’ Olympic pour le percuter de plein fouet sur l’arrière. « Le Hawke , à n’en pas douter, était en tort 86 », affirme l’auteur de La Nuit du Titanic . John Eaton et Charles Haas, qui reprennent à leur compte les attendus de l’Amirauté, plaident en revanche pour le phénomène de succion, inhérent aux forces hydrodynamiques occasionnées par le déplacement de l’eau contre « la coque d’un navire en marche dans des eaux resserrées 87 », ces remous provoquant une forte attraction sur la coque d’un bâtiment de plus faible tonnage naviguant à proximité.
Toujours est-il qu’une forte collision avait manqué faire des victimes parmi les passagers du transatlantique et l’équipage du
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