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Il était une fois le Titanic

Il était une fois le Titanic

Titel: Il était une fois le Titanic Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: G.A. Jaeger
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errance meurtrière. Alors un nouveau voyage s’était engagé, avec une opiniâtreté diabolique, une détermination cruelle qui ne devait rien aux chamans, mais seulement à l’hiver capricieux de cette année-là, qui sévissait autour du 41 e parallèle.
    Quelles qu’en fussent les raisons, une chronique inhumaine était en train de s’écrire.
    L’heure de vérité
    « La perspective d’arriver dans les deux jours, avec un temps calme jusqu’à New York, suscitait une excitation
générale à bord 152 . » Lawrence Beesley traduit à n’en pas douter ce que pensait l’ensemble des passagers, ce dimanche soir. « La présence à bord d’un grand nombre de beautés très à leur avantage était un sujet de conversation dont nous ne nous lassions pas 153  », renchérit le colonel Gracie dans ses mémoires. Pour peu de temps encore, en vérité.
    Le lieutenant William Murdoch, de quart depuis 20 heures, fit réduire l’allure de 22 à 20,5 nœuds en raison d’une légère brume. En suspension au-dessus de l’océan, elle masquait presque entièrement l’horizon. La mer était calme « comme un étang au pied d’un moulin », écrira John B. Thayer 154 . Quand il s’en fit la remarque, il était 22 h 30.
    Au fumoir, Benjamin Guggenheim songeait à son épouse qu’il allait bientôt revoir à New York. Au même moment, alors que le soleil était à peine couché sur Manhattan, l’une de ses trois filles, Benita, confiait à sa mère qu’elle craignait pour la vie de son père : « Je sens qu’il arrivera malheur à ce bateau 155  », lui aurait-elle dit sous l’emprise d’une vive angoisse. Cette sourde inquiétude, qui avait tant serré de gorges depuis le lancement du Titanic , interpellait à nouveau des personnes que rien ne rapprochait.
    Plus l’heure de la rencontre historique approchait, plus il y eut de révélations étranges. Moins d’une heure avant le drame, en France, en Écosse, des hommes et des femmes faisaient le même cauchemar : qui dans ses rêves torturés par la vision d’un naufrage, qui sur son lit de mort. Mais c’est à bord même du paquebot que les terribles intuitions se précisèrent, pour un certain nombre de passagères notamment. Mrs Bucknell eut « le pressentiment d’un désastre imminent », Mrs Hart refusa de dormir « par crainte qu’une catastrophe ne se produisît pendant son sommeil »,
et Mlle Mulvihill souffla à quelques-unes de ses amies qu’elle était certaine « que c’était pour cette nuit 156  »…
    Enfin, le célèbre chroniqueur visionnaire William Stead, qui malgré ses intuitions et ses écrits prémonitoires avait embarqué pour cette croisière inaugurale, fut en proie lui aussi à de terribles égarements qui le décidèrent à s’isoler dans sa cabine, pétrifié par une peur indicible.
    Dans l’est de la position du paquebot tout pavoisé de lumières, l’iceberg, dressé comme un hachoir en bordure du champ de glace, trônait en sentinelle. L’iceberg de la baie de Disko. À l’heure exacte au rendez-vous du Titanic qui taillait obstinément sa route sur le cap de New York.
    Il était 23 heures et la plupart des passagers étaient allés se coucher. La température extérieure était tombée en dessous de 0 °C. Dans le nid-de-pie, les sentinelles Jewell et Symons avaient été remplacées par Frederick Fleet et Reginald Lee, dont les yeux embués clignaient en raison de l’air vif de la nuit. La boîte aux jumelles était vide et leur absence, à jamais inexplicable, ne laissera pas d’alimenter les commentaires. Bien qu’à moitié engourdis par le froid, ils restaient plus que jamais en alerte. Par deux fois en moins d’une heure, ils avaient signalé par téléphone à la passerelle que de la glace flottait sur la trajectoire du navire. Mais ce n’était encore que des morceaux disloqués dérivant au gré du courant. Murdoch n’était pas inquiet, pensant qu’il s’agissait du reliquat du champ de glace annoncé, que l’on était en train de contourner.
    Mais un nouveau message venait de parvenir au bureau de la TSF. Il provenait du Californian de la Leyland Line. Par télégraphie, son capitaine Stanley Lord lui faisait savoir que, par mesure de sécurité, son cargo venait de stopper au milieu d’un banc de growlers dont l’étendue couvrait la mer à perte de vue. Lorsqu’il avait coupé ses machines pour la nuit, le Californian se trouvait à environ deux heures de navigation du

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