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Il était une fois le Titanic

Il était une fois le Titanic

Titel: Il était une fois le Titanic Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: G.A. Jaeger
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estimèrent mesurer près de cent mètres de long ! En vérité, la déchirure était bien moins importante, mais suffisamment pour laisser des milliers de mètres cubes d’eau s’engouffrer rapidement dans les entrailles du navire 161 . Or, si l’on avait effectivement prévu des compartiments étanches, leurs cloisons perpendiculaires à la coque ne montaient pas au-delà du pont E. Si bien que l’eau se déverserait bientôt par-dessus, pour envahir la totalité du bateau et l’entraîner vers l’abîme.
    Au cours de leur inspection, Andrews et Boxhall virent le charpentier Robert Hutchinson qui remontait haletant
vers la passerelle. En passant, tout ce qu’il put leur dire fut : « Nous faisons eau de toute part ! » Effrayés par la vision de cet homme ruisselant d’eau de mer, ils poursuivirent leur descente. Arrivés au niveau de la ligne de flottaison, ils prirent conscience de l’importance des dommages causés par l’iceberg. Ils pensèrent alors aux hommes de la machine, mécaniciens, chauffeurs et soutiers dont certains avaient dû se faire piéger par la fermeture des portes étanches. L’angoisse les étreignit.
    Le pire était à craindre maintenant pour l’ensemble des passagers. Si la carène avait été cisaillée par la glace, combien de temps résisterait-elle au naufrage ? Ils espéraient que les rivets n’avaient pas cédé sous le choc, mais l’océan qui s’engouffrait dans les œuvres vives ne les rassurait pas sur l’état de la coque.
    Au niveau des ponts supérieurs, on ne pouvait imaginer l’ampleur du désastre. Sur la passerelle, tandis que Joseph Boxhall terminait son rapport, Thomas Andrews avait déployé les plans du navire sur la table à cartes. Le regard du commandant Smith se posa sur l’architecte avec l’ingénuité de l’espoir. Andrews prit sa respiration et, sans lever les yeux, parcourut lentement le flanc du Titanic avec le doigt, sur un tiers de sa longueur. Ce geste parut interminable. Il s’arrêta finalement sur le cinquième compartiment. Puis, s’adressant à Joseph Ismay qui les avait rejoints :
    — Et l’eau continue de se répandre.
    Il avait la voix cassée par l’émotion. Car tout le monde savait ici que le paquebot, décrit comme insubmersible, ne pouvait pas flotter avec plus de quatre compartiments inondés.
    En outre, Andrews leur rappela que la gîte allait rapidement s’accentuer lorsque l’océan se déverserait dans les caissons, au fur et à mesure de l’inclinaison de la coque.
    — Jusqu’à faire se dresser le navire tout entier vers le ciel…
    Il ne termina pas sa phrase. Au large des Grands Bancs de Terre-Neuve, il y avait près de 4 000 mètres de fond.

    Tout le monde avait compris que les pompes seraient inutiles car l’envahissement des cales était trop rapide. Elles permettraient seulement de ralentir la mise à mort.
    Le silence submergea quelques instants la passerelle, puis le commandant Smith demanda : « Combien de temps pourrons-nous tenir ? », avant de donner ses premiers ordres. Thomas Andrews répondit d’une voix calme qu’ils avaient deux heures devant eux. Il avait l’expression d’un homme abandonné par ses certitudes.
    Le navire, que plus rien ne pouvait détourner de son destin, semblait figé dans le temps comme un ex-voto. Immobile et silencieux, comme étranger au cours de l’Histoire qui allait désormais s’écrire sans lui.
    Aucun mouvement de panique ne s’était encore manifesté parmi les passagers, dont la plupart n’étaient pas réveillés. Seule une poignée d’entre eux tentait de se renseigner sur la raison de l’immobilisation soudaine du navire. Quelques-uns pensaient qu’une pale d’hélice avait été perdue, ou que l’ancre s’était détachée pendant la nuit. Un incident mineur de toute façon, comme il en arrivait à chaque voyage. Ceux qui avaient vu l’iceberg se briser sur le pont se réjouirent du tour que prenait la traversée. Ce voyage inaugural était décidément bien romanesque…
    Helen Churchill Candee avait pris un bain chaud, puis elle était allée se coucher. Dans le récit qu’elle fera de la nuit du 14 au 15 avril, elle racontera avoir craint, après le choc, que le navire ne se fût échoué « sur le sommet d’une montagne maritime, une montagne jamais découverte jusque-là 162  » ! Soucieuse de connaître l’infortune dont était victime cette nouvelle Arche de Noé, elle quitta sa cabine en quête d’informations.

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