Il fut un jour à Gorée
liberté.
C’est ce qui s’est passé à Saint-Domingue en 1791. En France, à l’époque, la grande Révolution abattait la monarchie et instaurait le principe des Droits de l’Homme. Les Noirs faisaient-ils partie de ces êtres nés libres et égaux en droit ? Ils le croyaient, en tout cas. Et cet espoir leur donna la force de se soulever.
Le 14 août de cette année-là, un prêtre vaudou de Saint-Domingue parvint à réunir cent mille Noirs pour une cérémonie religieuse… La puissance du nombre mit le feu aux poudres. Dès lors, comme une trainée qui traversait l’île, les bandes rebelles tuèrent et pillèrent. Sur leur route, ils ne laissaient que des plantations incendiées, des habitations détruites et des maîtres exécutés.
Les Blancs rescapés fuyaient Saint-Domingue dans la terreur : leur pire cauchemar était entré dans la réalité ! Le gouverneur chercha à rétablir l’ordre en proclamant la fin de l’esclavage. Mais il était trop tard. Les anciens esclaves voulaient désormais plus que la liberté, ils réclamaient l’indépendance ! Pour l’obtenir, ils étaient prêts à se battre et à mourir.
Des troupes britanniques et espagnoles tentèrent de mettre le pied sur l’île, afin de rétablir l’ordre des Blancs, mais l’armée noire, bien organisée et courageuse, parvint à les repousser.
Ce triomphe militaire était dû principalement à un esclave nommé Toussaint-Louverture, un homme d’une puissante intelligence et d’une grande vaillance. Il était certain d’avoir une mission à accomplir : la libération de son peuple. Il se déclara gouverneur général de Saint-Domingue, instituant ainsi la première République noire de l’Histoire. À Napoléon Bonaparte, devenu Premier consul, il adressa une lettre : « Du premier des Noirs au premier des Blancs… »
Bonaparte aurait peut-être accepté une certaine libéralisation du système esclavagiste, mais il refusa l’idée même d’une nation noire indépendante. Il déclara la guerre à Saint-Domingue. En février 1802, une armée française débarqua sur l’île. Elle parvint à reprendre pied sur cette colonie et à s’emparer de Toussaint-Louverture. Celui-ci, déporté en France, enfermé au fort de Joux dans le Jura, mourut l’année suivante de privations et de froid. Quelque temps auparavant, il avait écrit : « En m’abattant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté des Nègres. Il repoussera par les racines, parce qu’elles sont profondes et nombreuses. »
Et, en effet, l’histoire ne s’acheva pas avec la mort du héros. L’armée française débarquée à Saint-Domingue, décimée par la guérilla, la fièvre jaune et le paludisme, ne put empêcher l’île de recouvrer sa liberté.
Pour arracher le souvenir de la colonisation, les Noirs donnèrent à Saint-Domingue le nom de Haïti, ce qui signifie « le pays des collines ».
Haïti demeura dans le cœur de tous les esclaves africains comme une lumière dans la nuit. Quelque part, des hommes noirs avaient osé se lever et s’emparer d’un pouvoir que les Blancs avaient entièrement accaparé. Les esclaves avaient démontré qu’ils pouvaient s’opposer aux maîtres dans une guerre ouverte.
« Haïti… Cette indépendance ne leur a pas vraiment réussi. C’est maintenant l’un des pays les plus pauvres du monde ! » souligne Birago.
C’est vrai. Mais on peut se demander si les Haïtiens du XX e siècle ne paient pas d’une certaine manière la révolte de leurs ancêtres d’il y a deux cents ans : les puissances occidentales ne se sont jamais montrées très enclines à aider et soutenir un pouvoir noir arraché par la force aux nations esclavagistes.
**
*
Après l’épopée de Toussaint-Louverture, d’autres révoltes secouèrent le monde esclavagiste. La plus violente se déroula en 1831 non loin de Jérusalem, une ville de Virginie, aux États-Unis. Nat Turner, un esclave, qui se prétendait « inspiré par l’Esprit », vit une éclipse de soleil et interpréta ce phénomène naturel comme un signe venu du ciel : Dieu lui ordonnait d’organiser une révolte noire !
Personnage charismatique, puisant son inspiration dans l’Apocalypse, un livre du Nouveau Testament, Turner déclarait que l’heure était venue pour les opprimés de conquérir leur liberté. Il se mit à la tête d’une petite troupe d’hommes armés de haches. Avec ses disciples,
Weitere Kostenlose Bücher