Il fut un jour à Gorée
Blancs.
Au-delà de cette volonté affichée de faire triompher l’Église, le Code noir comportait des articles plus redoutables. De par la loi, les esclaves étaient reconnus comme « des êtres meubles » à l’image des « autres choses mobilières ». Le royaume de France confirmait légalement l’usage : le Noir était considéré comme un objet ! En conséquence, il pouvait être vendu et l’on pouvait en hériter comme d’une maison, comme d’un cheval.
L’oppression était rendue légale et faisait sans cesse planer sur la tête du récalcitrant la menace de la peine capitale : « L’esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse ou leurs enfants, avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort. »
« Les vols qualifiés, même ceux de chevaux, mulets, bœufs ou vaches qui auront été faits par les esclaves ou par les affranchis, seront punis, même de mort si le cas le demande. »
Ces articles étaient appliqués dans toute leur sévérité. En revanche, ceux qui dénombraient les obligations des maîtres ne furent jamais vraiment respectés. Pourtant, le Code noir imposait de fournir chaque semaine aux esclaves « deux pots et demi de farine de manioc, avec deux livres de bœuf salé ou trois livres de poisson, de fournir à chacun, une fois par an, deux habits de toile ». Dans le cas où ces prescriptions n’étaient pas observées, l’esclave pouvait – théoriquement – déposer une plainte auprès du procureur général.
Hélas, quand les tribunaux se réunissaient pour juger les maîtres coupables d’avoir maltraité leurs esclaves, les verdicts se révélaient toujours incroyablement cléments.
En 1845, la cour d’assises de Saint-Pierre, en Martinique, jugeait les frères Jaham accusés d’avoir infligé de véritables tortures à l’esclave Rosette et d’avoir provoqué la mort de l’esclave Gustave et du petit Jean-Baptiste âgé de onze ans. Le dossier était accablant, comme en témoigne la lecture de la longue liste des méfaits attribués aux maîtres…
« D’avoir infligé à Rosette, enceinte, des coups de fouet et d’avoir fait imprégner les blessures saignantes de citron et de piment.
» D’avoir, quelques jours plus tard, renouvelé le même châtiment, parce que Rosette n’était pas remontée assez tôt de la ville, où elle avait été envoyée pour vendre du charbon.
» D’avoir tenu aux fers Gustave, malade, dans un lieu humide et destiné aux animaux, d’où il était retiré le jour pour aller au travail avec un carcan de fer.
» D’avoir tenus accouplés à une même chaîne Gustave et Jean-Baptiste, âgé de onze ans, les contraignant par des coups à travailler en chantant.
» D’avoir tenu Gustave aux fers pendant la nuit, durant plusieurs semaines, et dans une position si gênante qu’il ne pouvait se coucher ni dormir.
» D’avoir accablé de chaînes et de fers le petit Jean-Baptiste.
» D’avoir ainsi occasionné la mort, sans intention de la donner, de Jean-Baptiste et de Gustave. »
Eh bien, dans tous ces crimes, plus quelques autres, les juges n’ont pas trouvé matière à condamner les frères Jaham. À l’unanimité, la cour s’est prononcée pour l’acquittement des accusés !
Avec un tel état d’esprit, on imagine facilement que donner un minimum d’instruction aux esclaves ne venait même pas à l’idée des maîtres. En 1840, quand il s’était agi d’organiser l’éducation religieuse des esclaves, les planteurs avaient protesté haut et fort. Le texte de loi projetait aussi d’établir des classes gratuites d’instruction élémentaire pour « les enfants d’esclaves des deux sexes »… Le Conseil de Guadeloupe s’insurgea. Il fit valoir que « les jeunes esclaves n’ont pas besoin de cette espèce d’éducation ; leur place est à la garde des troupeaux ou aux travaux légers des habitations. » Pour les maîtres, une éducation des Noirs, même élémentaire, ne s’accordait pas avec le principe de l’esclavage.
Quand une première école s’ouvrit en Guadeloupe, au mois de décembre suivant, le maire de Pointe-à-Pitre fit publier dans le journal local un avis dans lequel il ne cachait pas ses sentiments : « Cette école étant uniquement instituée pour les enfants de la population libre, aucun autre enfant ne saurait y être admis. »
Cette déclaration annulait purement et simplement les décisions
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