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Il fut un jour à Gorée

Il fut un jour à Gorée

Titel: Il fut un jour à Gorée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph N’Diaye
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il massacra une soixantaine de Blancs avant d’être arrêté dans sa course folle. Dans le procès qui suivit, l’inspiré de Jérusalem montra l’abîme de sa colère et de son désespoir en s’exclamant devant ses juges :
    — Mon but était de porter partout la terreur et la désolation !
    Finalement, Nat Turner fut pendu avec cinquante-cinq de ses compagnons.
    Mais la sentence ne suffit pas à rassurer la population blanche. L’épisode l’avait profondément bouleversée. Sans doute parce que le « Nègre » n’avait pas puisé sa violence et son désir de liberté dans les vagues pratiques de quelque sorcier africain. Au contraire, il tenait sa conviction du Livre sacré des Blancs, ce Livre qui avait été utilisé si longtemps pour prêcher aux Noirs l’obéissance et la soumission ! En quelque sorte, Turner avait retourné contre les maîtres leur arme spirituelle.
    Pour se venger de la terreur que leur avait inspirée l’esclave révolté, des habitants de Virginie organisèrent des expéditions contre les Noirs. Environ deux cents esclaves payèrent de leur vie la rage des maîtres un instant humiliés. « Partout, des hommes, des femmes et des enfants furent fouettés jusqu’à ce qu’ils baignent dans des flaques de sang. Certains reçurent cinq cents coups de fouet », a écrit Harriet Jacobs, une ancienne esclave américaine qui publia ses souvenirs en 1861.
     
    **
    *
     
    Avec le XIX e siècle, la révolte noire prit une nouvelle tournure. Les rebelles trouvèrent en Amérique de l’aide auprès d’une certaine population blanche franchement opposée au principe de l’esclavage et aussi des affranchis, d’anciens esclaves devenus libres de plusieurs façons. Soit ils étaient délivrés par leur maître parce qu’ils étaient trop âgés ou trop malades pour travailler, soit par simple mesure humanitaire. Il arrivait aussi que les esclaves, en vendant le produit de leur jardin ou en effectuant des travaux pour leur propre compte, puissent économiser assez d’argent afin d’acheter leur liberté.
    Dès 1815, s’était mis en place un système d’évasion baptisé en anglais
underground railroad
, ce qui veut dire le « chemin de fer clandestin ». Il n’y avait pas de train, bien sûr, l’expression suggérait seulement qu’une voie secrète était ouverte… Le « chemin de fer » permettait de faire passer les fugitifs du sud au nord des États-Unis et parfois jusqu’au Canada. Ils pouvaient aussi, partant vers le sud, se réfugier au Mexique ou à La Nouvelle-Orléans où ils parvenaient à se fondre dans la population des Noirs libres.
    Sur ce long parcours ponctué de dangers, l’esclave trouvait des amis disposés à lui offrir hospitalité et subsistance. Le fugitif pouvait ainsi avancer à travers le pays, de relais en relais, et gagner un havre de paix et de sécurité.
    Tout un réseau s’est mis en place, avec ses codes secrets et son langage. On dit que, à cette occasion, les femmes se mirent à confectionner des patchworks, ces couvertures faites de petits carrés de tissus aux différentes couleurs. Ce qui n’est aujourd’hui qu’une agréable décoration revêtait à l’époque une signification cachée. Les évadés pouvaient se réfugier dans les maisons qui affichaient, à l’entrée, des signes distinctifs dissimulés dans les pièces multicolores d’un innocent patchwork.
    Désormais, quand tu verras ce genre de couverture, encore très en vogue aux États-Unis, tu songeras à la douleur, à la crainte et à l’espoir auxquels ces petits morceaux de tissu rassemblés étaient liés jadis.
    Pour lutter contre le « chemin de fer », une loi fédérale sur les esclaves fugitifs fut adoptée en 1850. À partir de cette date, les risques pris par les évadés se révélèrent plus grands encore. En effet, les esclaves pouvaient être arrêtés sur tout le territoire des États-Unis et remis à l’État qui les réclamait. De plus, les complices, c’est-à-dire les membres du « chemin de fer », étaient condamnés à de fortes amendes.
    Mais cette loi ne freina pas l’engagement des militants anti-esclavagistes. Au contraire. Le réseau ne cessa de s’agrandir et de trouver de nouvelles aides.
    Un nom reste attaché au « chemin de fer clandestin », celui de Harriet Tubman. Née esclave en 1820, elle refusa très vite sa condition. À l’âge de douze ans, elle n’accepta pas de ligoter un esclave puni pour avoir tenté de

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