Il fut un jour à Gorée
ou à l’intendance. Il y avait aussi les ouvriers spécialisés, utilisés à des tâches bien précises, qui remplissaient les fonctions de charpentiers, de cordonniers ou de palefreniers. Certes, ils étaient soumis, comme les autres, aux caprices des maîtres, mais ils disposaient d’un peu plus de liberté et généralement d’une vie moins pénible.
Les autres, l’écrasante majorité des esclaves, travaillaient comme des bêtes de somme sur les plantations, celles de canne à sucre dans les Antilles françaises, par exemple.
On réveillait le bétail humain dès l’aurore. Sous la menace perpétuelle du fouet et la garde de quelques commandeurs munis de fusils pour les dissuader de prendre la fuite, ils bêchaient la terre, arrachaient les mauvaises herbes ou coupaient les plantes, selon la saison.
Le dos courbé sous le soleil, baignés de sueur, hommes et femmes de tous âges, nus ou vêtus de haillons, creusaient en silence une terre dure et sèche sur laquelle les outils se cassaient parfois.
À midi, ils disposaient de deux heures pour aller préparer et avaler leur repas. Et bientôt le travail reprenait. Jusqu’au soir.
À la nuit tombée, leur tâche n’était pas achevée. Ils devaient encore aller chercher l’herbe pour les ânes et les chevaux. Après le labeur épuisant de la journée, il fallait marcher loin de la plantation, puis en revenir avec, sur les épaules, le poids écrasant des gerbes…
Enfin, vers minuit, les esclaves pouvaient rentrer dans leur case. Ils préparaient leur dîner, éventuellement celui de leurs enfants, avant de s’effondrer sur les paillasses. En attendant l’aurore prochaine qui verrait revenir leur calvaire…
Aux États-Unis, la situation des esclaves n’était pas meilleure. Le développement de la culture du coton, dès le début du XIX e siècle, exigeait une très importante importation d’Africains.
Le travail était si pénible que la récolte du coton dans le sud des États-Unis est devenue un symbole de la dramatique situation des Noirs américains.
Toute l’année à désherber, à préparer le sol, à creuser, à planter… Et, au mois d’août, pour la récolte, l’esclave se voyait doté d’un sac dont la courroie se fixait autour de son cou. Il était à la besogne dès le lever du soleil et devait s’activer jusqu’à la nuit, avec une brève interruption d’un quart d’heure dans la journée pour lui permettre d’avaler, à la hâte, un morceau de viande froide.
Chaque esclave devait recueillir un minimum de deux cents livres de coton dans la journée. S’il n’atteignait pas ce chiffre, il était puni. Le fouet s’abattait sur lui : un fouet redoutable aux lanières lestées de plomb qui tuait parfois et, en tout cas, laissait toujours d’affreuses cicatrices.
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Élisabeth reste songeuse… Elle me demande si des lois ne venaient pas limiter un peu l’autorité absolue des maîtres blancs.
En effet, dès le début de la traite négrière, des règles cherchèrent à encadrer la pratique de l’esclavage. Dans les Antilles britanniques, les lois étaient écrites par les autorités coloniales et pouvaient différer d’une île à l’autre. Mais le principe ne variait pas : l’esclave n’avait aucun droit. Il n’avait pas même l’autorisation d’apprendre à lire et à écrire, et ne pouvait en aucun cas se convertir au christianisme, religion réservée aux maîtres.
Du côté des colons français, une sorte de charte fut adoptée dès 1625. L’essentiel de ces dispositions était destiné à faire pression sur les Nègres et à leur imposer un régime de terreur : l’esclave fugitif était puni de mort, l’esclave coupable d’avoir frappé un Blanc était « pendu et étranglé ».
Colbert, ministre du roi Louis XIV, fit édicter des lois précises qui restèrent valables, presque sans modification, durant plus d’un siècle et demi, c’est-à-dire jusqu’à l’abolition de l’esclavage. Ce texte fondamental, promulgué en 1684 sous le nom de « Code noir », avait aussi pour préoccupation de faire des esclaves de bons catholiques, contrairement à ce qui se passait aux Antilles britanniques. Pour les encourager à accepter la religion officielle, les dimanches et les fêtes sacrées étaient des jours de repos pour les esclaves catholiques. Ce qui, sans doute, étonnait fort les Britanniques pour lesquels le christianisme restait le privilège exclusif des
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