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Imperium

Imperium

Titel: Imperium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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avec des mendiants à
tous les coins de rue et parfois même, dans le caniveau, le cadavre d’un
malheureux mort pendant la nuit. Je descendis rapidement les allées désolées,
traversai le forum et gravis les marches des Archives. C’était là que j’avais
retrouvé le dossier officiel indigent de Gaius Verres et où j’avais depuis
effectué bien des missions, surtout à l’époque où Cicéron était édile, aussi
les employés connaissaient-ils mon visage. Ils me remirent le volume dont j’avais
besoin sans me poser de questions. Je le portai à une table de lecture située
près de la fenêtre et le déroulai de mes mains protégées par des mitaines. La
lumière matinale n’éclairait pas grand-chose, il y avait plein de courants d’air
et je ne savais pas vraiment ce que je cherchais. Les Annales, du moins à cette
époque, c’est-à-dire avant que César ne mette la main dessus, donnaient un
compte rendu clair et complet des événements de chaque année : le nom des
magistrats, les lois promulguées, les guerres menées, les famines endurées, les
éclipses et autres phénomènes naturels observés. Elles étaient tirées du
registre officiel rédigé chaqueannée par le grand pontife, et affichées
sur le panneau blanc qui se dressait devant le siège du collège des pontifes.
    L’histoire m’a toujours fasciné. Comme l’a écrit un jour
Cicéron : « Être ignorant de ce qui s’est passé avant sa naissance
revient à rester toujours un enfant. Quelle est la valeur de la vie humaine en
effet si elle n’est pas intégrée à la vie de nos ancêtres par les registres de
l’histoire ? » J’oubliai bien vite le froid et aurais volontiers
passé toute la journée à dérouler ce rouleau pour étudier des événements vieux
de plus de soixante ans. Je découvris alors qu’en cette année précise, la six
cent vingt et unième année de Rome, le roi Attale III de Pergame était mort
en léguant son pays à Rome ; que Scipion le second Africain avait détruit
la cité espagnole de Numance, massacrant la totalité de ses cinq mille
habitants mis à part les cinquante qu’il garda enchaînés pour les faire parader
lors de son triomphe ; et que Tiberius Gracchus, le célèbre tribun
radical, avait fait passer une loi redistribuant les terres publiques aux
fermiers pauvres qui, comme toujours, souffraient alors de mille maux. Rien ne
change jamais, me dis-je. La proposition de loi de Gracchus avait plongé dans
la fureur les aristocrates du Sénat, qui y virent une menace pour leurs biens,
aussi avaient-ils persuadé, ou soudoyé, un tribun du nom de Marcus Octavius
pour qu’il oppose son veto. Mais comme le peuple était unanime dans son soutien
à la loi, Gracchus avait protesté du haut des rostres qu’Octavius manquait à
son devoir sacré qui était de veiller à l’intérêt du peuple. Il avait donc
appelé la plèbe à voter le départ d’Octavius, tribu par tribu, ce qu’elle s’était
empressée de faire. Lorsque les dix-sept premières tribus (sur trente-cinq)
eurent voté massivement la destitution d’Octavius, Gracchus avait suspendu le
vote et proposé à Octavius de retirer son veto. Celui-ci avait refusé, aussi
Gracchus en avait-il « appelé aux dieux d’être témoins qu’il ne cherchait
pas volontairement à destituer son collègue ». Il avait alors fait voter
la dix-huitième tribu, avait atteint une majorité, et Octavius avait été déchu
de son tribunat (« réduit au rang de simple citoyen, il partit sans être
vu »). La loi agraire avait donc pu être promulguée. Mais les nobles,
comme Crassus l’avait rappelé à Cicéron, avaient exercé leur vengeance quelques
mois plus tard. Gracchus avait été encerclé dans le temple de Fides, battu à
mort à coups de bâtons et de gourdins, et son corps avait été jeté dans le
Tibre.
    Je détachai le polyptique de mon poignet et pris mon style.
Je me souviens d’avoir regardé autour de moi pour vérifier que j’étais seul
avant de l’ouvrir et de me mettre à copier tous les passages intéressants des Annales – je
comprenais à présent pourquoi Cicéron avait tant insisté pour que tout cela
restât secret. J’avais les doigts gelés et la cire était dure : mon
écriture était atroce. À un moment, Catulus lui-même, le directeur des
Archives, apparut dans l’embrasure de la porte et me regarda directement, et j’eus
l’impression que mon cœur allait fracasser les os de ma cage

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