Imperium
matinée.
— Je l’ai trop gâté, commenta Cicéron avec lassitude
alors que nous gravissions la côte qui nous ramenait chez nous. Et tu sais
pourquoi ? C’est parce qu’il a du charme, ce don maudit entre tous, et que
je ne peux pas m’empêcher de tout céder à quelqu’un qui a du charme.
Pour le punir, et aussi parce qu’il ne lui faisait plus
totalement confiance, Cicéron refusa de laisser Caelius assister à la réunion
de campagne et l’envoya à la place rédiger un compte rendu. Il attendit qu’il
se fût éloigné avant de relater les événements du matin à Quintus et Frugi.
Quintus fut tenté de voir les choses de façon optimiste, mais Cicéron était absolument
convaincu qu’il devrait à présent affronter Catilina lors des élections au
consulat.
— J’ai vérifié le calendrier du tribunal des extorsions – tu
te rappelles ce que c’est – et la vérité, c’est qu’il n’y a aucune
chance que l’affaire Catilina puisse être entendue avant juillet, ce qui l’empêche
de présenter sa candidature cette année. Ce qui veut dire qu’il se présentera
inévitablement l’année suivante, mon année, ajouta Cicéron avant de frapper du
poing sur la table en jurant – chose qu’il faisait rarement. J’ai
prédit exactement cette situation il y a un an – Tiron m’est témoin.
— Catilina sera peut-être déclaré coupable et exilé ?
avança Quintus.
— Avec cette créature parfumée pour mener l’accusation ?
Un homme dont pas un esclave à Rome ne sait pas qu’il a couché avec sa propre
sœur ? Non, non, tu avais raison, Tiron. J’aurais dû démolir Catilina
moi-même quand la chance m’en a été donnée. Il aurait été plus facile à battre
devant un tribunal qu’il ne le sera aux urnes.
— Peut-être n’est-il pas trop tard, suggérai-je.
Peut-être que Clodius se laisserait convaincre de te céder l’accusation.
— Non, il ne fera jamais cela, dit Cicéron. Il suffit
de le regarder – de voir l’arrogance de ce type – pour le
savoir. C’est bien un Claudius. Il tient là sa chance de connaître la gloire et
il ne la lâchera pas. Tu ferais mieux d’apporter notre liste de candidats,
Tiron. Il va falloir qu’on trouve qui va se présenter avec moi, ça devient
urgent.
À cette époque, les candidats aux élections consulaires se
présentaient par deux car c’était de toute évidence une très bonne tactique que
de former une alliance avec un homme complémentaire de ses propres forces
pendant la campagne. Mais ce dont Cicéron avait besoin pour équilibrer la
donne, c’était de quelqu’un ayant un nom distingué qui plairait largement à l’aristocratie.
En retour, il leur offrirait sa popularité parmi les pedarii et les
classes inférieures, ainsi que le soutien de la machine électorale qu’il avait
mise en place à Rome. Il avait toujours pensé que ce serait quelque chose d’assez
simple à organiser le moment venu. Maintenant, alors que nous examinions les
noms sur la liste, je commençais à comprendre ce qui l’inquiétait autant.
Palicanus n’apporterait rien de plus. Cornificius n’avait aucun talent électoral.
Hybrida n’avait que la moitié du cerveau. Cela ne laissait plus que Galba et
Gallus. Et Galba était un tel aristocrate qu’il ne voudrait rien avoir à faire
avec Cicéron. Quant à Gallus – malgré toutes les supplications de
Cicéron –, il décrétait fermement n’avoir aucun intérêt à devenir consul.
— Vous pouvez croire ça ? se plaignit Cicéron en
examinant la liste des candidats potentiels. Je lui propose la plus belle place
du monde, et ne lui demande rien d’autre en échange que de rester à mes côtés
pendant un jour ou deux. Et pourtant, il continue de soutenir qu’il préfère se
concentrer sur la jurisprudence !
Il prit son style et raya le nom de Gallus, puis il ajouta
celui de Catilina en fin de liste. Il tapota la pointe de son style à côté, le
souligna, l’entoura, puis nous regarda tout à tour.
— Bien sûr, il reste un autre partenaire potentiel que
nous n’avons pas encore envisagé.
— Et qui est ? s’enquit Quintus.
— Catilina.
— Marcus !
— Je suis parfaitement sérieux, dit Cicéron.
Réfléchissons. Imaginez qu’au lieu d’essayer de le poursuivre, je propose de le
défendre. Si j’assure son acquittement, il sera obligé de me soutenir pour le
consulat. En revanche, s’il est déclaré coupable et est
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