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Imperium

Imperium

Titel: Imperium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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moment où ne pas y aller,
feindre d’être malade et rester terré chez soi paraît la seule option possible.
Et puis, miraculeusement, sous l’action de la panique et alors que l’humiliation
se profile, les parties forment un tout cohérent et le discours est prêt. Un
orateur de seconde classe va alors se coucher avec soulagement. Un Cicéron
reste debout et l’apprend par cœur.
    Se contentant d’un peu de fruits et de fromage arrosés de
vin dilué pour se sustenter, Cicéron connut ainsi toutes les étapes de la nuit.
Dès qu’il eut les diverses parties en ordre, il m’envoya dormir un peu, mais je
ne crois pas qu’il s’allongea ne fût-ce qu’une heure sur son lit. À l’aube, il
se lava à l’eau glacée pour se revigorer et s’habilla avec soin. Lorsque j’allai
le voir, juste avant que nous partions pour le tribunal, il était aussi agité
qu’un lutteur sur le point de combattre, faisant rouler ses épaules et
sautillant d’une jambe sur l’autre, sur la pointe des pieds.
    Quintus avait bien travaillé et, dès que la porte s’ouvrit,
nous fûmes accueillis par une foule bruyante de sympathisants qui remontait
loin dans la rue. En plus du peuple ordinaire de Rome, trois ou quatre
sénateurs qui s’intéressaient particulièrement à la Sicile étaient venus
manifester leur soutien. Je me rappelle le taciturne Gnaeus Marcellinus, le
vertueux Calpurnius Piso Frugi – qui avait été préteur la même année
que Verres et le considérait comme une crapule – et au moins un
membre de la grande famille des Marcelli, protecteurs traditionnels de l’île.
Cicéron salua la foule d’un signe de la main, souleva Tullia et la gratifia d’un
de ses baisers retentissants avant de la montrer à ses partisans. Puis il la
rendit à sa mère, qu’il serra dans ses bras en une rare manifestation d’affection
en public. Alors Quintus, Lucius et moi-même lui ouvrîmes un passage, et il s’élança
vers le centre de la foule.
    Je voulus lui souhaiter bonne chance mais, comme souvent
avant un discours important, il était inaccessible. Il regardait les gens sans
les voir. Il était prêt à agir et se jouait intérieurement toute une pièce
répétée depuis l’enfance, celle du patriote solitaire qui, armé de sa seule
voix, affronte tout ce qui est méprisable et corrompu à la tête de l’État.
Comme s’ils sentaient quel rôle allait être le leur dans ce spectacle
fantastique, de plus en plus de curieux vinrent gonfler le cortège et, lorsque
nous arrivâmes au temple de Castor, il devait y avoir deux ou trois cents
personnes pour applaudir son entrée au tribunal. Glabrio avait déjà pris place
entre les hauts piliers du temple, ainsi que l’ensemble des jurés, parmi
lesquels le spectre menaçant de Catulus lui-même. Je vis Hortensius sur le banc
réservé aux spectateurs distingués, qui contemplait ses mains superbement
manucurées et paraissait aussi calme qu’un matin d’été. Près de lui, et
visiblement très à l’aise également, se tenait un homme d’environ quarante-cinq
ans, aux cheveux roux et hérissés et au visage taché de son qui, me dis-je
soudain, devait être Caius Verres. Il me semblait curieux de me trouver enfin
en présence de ce monstre, qui avait occupé nos pensées durant si longtemps, et
de le trouver si ordinaire – plus proche du renard que du sanglier,
en fait.
    Deux sièges avaient été disposés à l’intention des deux
accusateurs en lice. Caecilius était déjà installé, une liasse de notes posée
sur ses genoux, et il ne leva pas les yeux à l’arrivée de Cicéron, se
concentrant uniquement sur l’étude de ses notes. La cour fut priée de décider,
et Glabrio indiqua à Cicéron que, comme il avait été le premier à déposer
plainte, il devait parler en premier – ce qui constituait un
désavantage manifeste. Cicéron se leva avec un haussement d’épaules. Il
attendit que le silence soit complet et commença, lentement comme toujours, en
disant qu’il supposait que certains seraient surpris de le voir dans ce rôle,
puisqu’il n’avait jamais cherché auparavant à entrer dans l’arène en tant qu’accusateur.
Il ne l’avait pas cherché aujourd’hui non plus. En fait, ajouta-t-il, il avait
même pressé les Siciliens de s’adresser à Caecilius. (Je réprimai un hoquet de
stupéfaction.) Mais, en vérité, il n’avait pas accepté seulement pour les
Siciliens.
    — Ce que je fais, je le fais pour mon

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