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Imperium

Imperium

Titel: Imperium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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Canuleius, qui était chargé
de collecter le droit de sortie sur toutes les marchandises passant par le port
de Syracuse. Les lettres concernaient un envoi particulier de biens qui avaient
quitté Syracuse deux ans plus tôt, et sur lesquels Verres n’avait payé aucune
taxe. Le détail des marchandises était joint : quatre cents fûts de miel,
cinquante banquettes de salle à manger, deux cents lustres, et quatre-vingt-dix
balles de toile maltaise. Un autre accusateur aurait pu ne pas déceler la
signification de cette liste, mais Cicéron la vit tout de suite.
    — Regarde ça, dit-il en me la tendant. Ce ne sont pas
des marchandises saisies chez de malheureux particuliers. Quatre cents fûts
de miel ? Quatre-vingt-dix balles de toile de l’étranger ? Il
s’agit d’une cargaison, n’est-ce pas ? questionna-t-il en tournant son
regard furieux sur l’infortuné Vibius. Ton gouverneur Verres doit avoir
détourné un bateau.
    Le pauvre Vibius n’avait aucune échappatoire possible.
Jetant des coups d’œil nerveux par-dessus son épaule en direction de ses
invités abasourdis, qui nous regardaient, bouche bée, il confirma qu’il s’agissait
bien d’une cargaison de navire, et que Canuleius avait reçu pour instruction de
ne plus jamais essayer de prélever la moindre taxe sur les exportations du
gouverneur.
    — À combien de ces envois Verres a-t-il procédé ?
demanda Cicéron.
    — Je ne le sais pas avec certitude.
    — Une estimation alors.
    — Une dizaine, répondit craintivement Vibius. Peut-être
vingt.
    — Et aucun droit n’a jamais été versé ? Rien n’a
été enregistré ?
    — Non.
    — Et d’où Verres tenait-il toutes ces cargaisons ?
demanda Cicéron.
    Vibius était si terrorisé qu’il semblait près de s’évanouir.
    — Sénateur, je t’en supplie…
    — Je vais te faire arrêter, dit Cicéron. Je vais te
faire envoyer à Rome enchaîné. Je te briserai sur le banc des témoins devant
les milliers de spectateurs du forum romain et jetterai ce qui restera aux
chiens de la triade capitoline.
    — De navires, sénateur, répondit Vibius d’une petite
voix de souris. Il les tenait de navires.
    — Quels navires ? Des navires qui venaient d’où ?
    — De partout, sénateur. D’Asie. De Syrie. De Tyr. D’Alexandrie.
    — Qu’est-il arrivé à ces navires ? Verres les
a-t-il fait saisir ?
    — Oui, sénateur.
    — Sur quel motif ?
    — Espionnage.
    — Ah, l’espionnage ! Bien sûr ! Jamais un
homme n’a su démasquer autant d’espions que notre vigilant gouverneur Verres,
non ? Dis-moi alors, reprit-il en se tournant à nouveau vers Vibius, qu’est-il
advenu de l’équipage de ces navires espions ?
    — Ils ont été emmenés aux Carrières, sénateur.
    — Et ensuite, que leur est-il arrivé ? Il ne
répondit pas.
     
    Les Carrières de pierre étaient la prison la plus redoutable
de Sicile, probablement la plus redoutable au monde – en tout cas, à
ma connaissance. Elle faisait six cents pieds de long sur deux cents de large
et était creusée profondément dans la roche solide de ce plateau fortifié qu’on
appelle les Epipoles et qui domine Syracuse au nord. Là, dans cette fosse
infernale d’où aucun cri ne pouvait sortir, exposés sans protection à la chaleur
brûlante de l’été et aux pluies glacées de l’hiver, torturés par des gardes
cruels et par les plus viles convoitises des autres prisonniers, les victimes
de Verres connurent les pires souffrances et succombèrent.
    Cicéron, dont l’aversion pour la vie militaire était
notoire, était souvent taxé de couardise par ses ennemis, et il avait certes
tendance à avoir les nerfs fragiles et se montrer d’une sensibilité exagérée.
Mais je puis certifier qu’il fit preuve de bravoure ce jour-là. Il retourna à
notre quartier général et vint chercher Lucius, laissant le jeune Frugi
continuer de fouiller les archives des recettes. Puis, armés de nos seuls
bâtons de marche et du mandat de Glabrio, suivis par la foule devenue
habituelle des Syracusains, nous gravîmes le sentier ardu menant aux Épipoles.
Comme toujours, l’annonce de son arrivée et de la nature de sa mission l’avait
précédé, et le capitaine de la garde, après avoir fait l’objet d’une harangue
vibrante du sénateur qui le menaçait de toutes sortes de répercussions si l’on
n’accédait pas à ses demandes, nous permit de franchir le mur d’enceinte et de
pénétrer sur le

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