Indomptable
des jeunes filles pour accepter de porter les
bâtards d’un grand homme. D’une manière ou d’une autre,
le fruit de mes entrailles aurait hérité de mes terres !
Les yeux de Dominic se plissèrent tels des éclats de
glace au moment où il entendit son propre rêve sortir de la
bouche d’un homme qui le haïssait.
— Mais, poursuivit John, aucun homme n’est capable
de séduire une sorcière, car il n’existe que peu de passion en
elle ; et si une sorcière venait à ressentir la passion, ce serait
pour un autre homme que son mari. Le fruit qu’elle porte
est féminin et ne vient pas des reins de son mari !
Des bruissements se firent entendre partout dans la
salle alors que les gens observaient Meg avec précaution.
— C’est la vérité, dit amèrement John. La sorcière
Margaret n’est pas le fruit de ma semence.
Il se tourna et pointa une main tremblante en direction
de la femme aux cheveux couverts d’argent qui le regardait
depuis le bout de la table.
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ELIZABETH LOWELL
— Raconte à ce bâtard de Normand ce qui l’attend, dit
John. Dis-le-lui maintenant.
Gwyn monta sur l’estrade avec une grâce inattendue
pour une femme de son âge.
— John dit la vérité, dit simplement Gwyn. Madame
portait l’enfant d’un autre homme lorsqu’elle s’est mariée.
Gwyn ne dit rien de plus.
— Dis-lui ! cria John. Dis-lui ce qui arrivera s’il force
une sorcière afin d’obtenir son propre enfant !
Gwyn demeura silencieuse.
— Vieille femme, dit Dominic avec une intense retenue,
il serait préférable de me le dire de votre plein gré.
— Si vous violez Meg dans votre empressement d’ob-
tenir des descendants, vos récoltes et vos troupeaux décli-
neront et vos vassaux tomberont malades, dit Gwyn.
Le sourcil gauche de Dominic se releva en une arche,
signe silencieux de son scepticisme.
— Si vous êtes suffisamment habile pour la satisfaire
dans le lit conjugal, vous pourriez être récompensé par une
fille.
— Continue, dit Dominic alors que le silence
s’éternisait.
— Dans le cas d’un grand amour, il y a une chance de
procréer un fils.
Un murmure parcourut la foule amassée, des mots iden-
tiques répétés encore et encore : « Le Loup des Druides de la
Vallée. Le Loup des Druides de la Vallée. Le Loup des
Druides de la Vallée. »
— Que Dieu putréfie toutes les sorcières des Druides de
la Vallée ! cria soudain John. Elles sont aussi froides qu’une
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INDOMPTABLE
tombe dans la montagne ! Elles ne tombent jamais
amoureuses !
Avec la force que lui procurait la démence, John se hissa
et se tint sur ses pieds. Il leva sa coupe en direction de
Dominic.
— Ainsi, je vous porte un toast, mon cher ennemi, dit
John avec une satisfaction féroce. Je vous donne une vie
sans fils. Je vous donne une vie dans laquelle vous ne
pourrez imposer l’obéissance à votre femme froide par
crainte de perdre vos récoltes et vos troupeaux. Je vous offre
une vie dans laquelle vous ne pourrez chasser votre femme
infertile par peur que vos vassaux ne quittent vos terres. Je
vous donne une vie au cours de laquelle vous vivrez chaque
minute en sachant que votre lignée mourra avec vous. Je
vous donne Lady Margaret, sorcière des Druides de la Vallée.
John but rapidement, renversa sa coupe et l’écrasa sur la
table. Soudain, il suffoqua, chancela et s’effondra en avant,
envoyant valser l’assiette en or.
Lorsque Dominic le toucha, John de Cumbriland, sei-
gneur du château de Blackthorne était mort.
Et il souriait.
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c 9
— Que comptes-tu faire ? demanda Simon à son frère.
Impassiblement, Dominic regardait les tapisseries
qui étaient accrochées au mur de la petite pièce qui donnait
sur le grand hall. Le feu crépitait dans le brasero, réchauf-
fant les murs de pierres encore froids à la suite de l’hiver
encore proche. Depuis le grand hall parvenaient des bruits
ordinaires, mais pas de manifestations de joie. Les tables
s’étaient vidées des invités depuis un moment.
À présent, les servantes s’activaient dans le grand hall
bruyant. Elles rangeaient les tables à tréteaux et les bancs,
ne laissant que la table permanente du seigneur. L’excédent
de nourriture était distribué aux plus pauvres des vassaux.
Les miettes étaient réclamées par les minces lévriers de
Dominic.
Il leur souhaita bon appétit. Personne n’avait certaine-
ment autant apprécié le festin qu’eux.
Au
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