Indomptable
»
Muette, Meg s’agrippa au silence, demandant ce qu’elle
devait faire.
La réponse fut tout aussi muette. Du vert s’éleva dans la
solitude qui l’entourait. Des formes se matérialisèrent dans
le vide. Des plantes, qui poussaient secrètement et buvaient
des gouttes de pluie, ouvraient leurs feuilles à la lumière
d’un soleil invisible. Les plantes avaient toutes la même cou-
leur, la même forme, les mêmes feuilles, le même sens du
silence et poussaient sur une terre ancienne et paisible.
« Va. »
Les yeux toujours clos, Meg s’assit précipitamment, le
cœur cognant dans sa poitrine. Sa tête vibrait à la suite de
la violence de son rêve. Une seule certitude résonnait dans
son esprit et dans son corps.
« Danger. »
Avec un cri étouffé, Meg ouvrit les yeux, courut à la
fenêtre et ouvrit les volets.
Rien ne vint l’accueillir, à part le silence inquiétant qui
précède l’aurore. Dans quelques instants, un coq annonce-
rait le lever du soleil et, ensuite, irait se pavaner devant ses
poules, fier de ses prouesses et de la certitude qu’il
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INDOMPTABLE
engendrerait les futures générations. Dans les instants qui
suivraient le chant du coq, les paysans et les serfs s’acti-
veraient, des feux seraient allumés pour la cuisine,
des hommes crieraient dans la cour où ils discuteraient des
tâches à effectuer et des jeunes filles à courtiser.
Dans les instants à venir…
Mais pas à cet instant. À présent, seul régnait un sublime
silence tandis que la terre attendait l’arrivée du soleil.
Retenant sa respiration, Meg regarda par la fenêtre
étroite, tendue vers le brouillard fantomatique qui s’élevait
au-dessus du bassin de retenue et du bassin aux poissons,
ainsi qu’au-dessus des prairies et du lac. Aucun mouvement
n’était visible. Aucun bruit d’armures ou de brides ne fen-
dait le silence, aucun claquement de sabots, aucun ordre
sourd donné à des hommes qui rampaient dans l’aurore.
Pourtant, le danger existait. Meg en avait la certitude de
la même manière qu’elle savait que ses yeux avaient la cou-
leur verte propre aux Druides de la Vallée.
La certitude de ce danger était comme un couteau planté
dans son cœur. Elle avait cru que le mariage mettrait fin aux
risques de guerre. Elle avait cru que son mariage assurerait
la sécurité à son peuple et la survie du château de
Blackthorne.
Et à présent, elle avait pour seule certitude que quelque
chose ne tournait pas rond, et cela de manière féroce.
« Mort. »
Meg frissonna.
« Désastre. »
Elle n’avait plus rêvé de façon aussi réelle depuis la nuit
où sa mère avait rejoint la forêt sans en revenir. Jamais.
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ELIZABETH LOWELL
« M’appelles-tu, mère ? Vais-je enfin connaître les secrets
de l’ancien tertre ? »
Dès le moment où la clairière hantée lui vint à l’esprit, la
certitude de devoir s’y rendre grandit en Meg. Cet endroit
où la terre n’était pas tourmentée par l’homme, où les
plantes poussaient sur un sol ancien, recelait des secrets
médiévaux ; là-bas, elle récolterait la clé de ce qui séparait le
château de Blackthorne de la destruction.
Elle ne savait pas pourquoi elle en était certaine.
Elle savait uniquement que c’était aussi vrai que la mort.
Sans bruit, Meg ôta sa chemise de nuit et enfila les vête-
ments de roturière qu’elle mettait pour travailler dans son
jardin de plantes ou dans les fauconneries. Ses doigts
engourdis par le froid et la terreur coiffèrent maladroite-
ment ses cheveux pour former des nattes fluides qu’elle
attacha avec des liens de cuir.
Revêtue d’un foulard tout simple et d’un bandeau sur la
tête, de chaussettes en laine aux pieds et de bottes à la main,
Meg se faufila à pas de loup le long des couloirs en pierre du
château et dévala l’escalier en spirale. Elle fit une seule halte,
suffisamment longue pour attraper un peu de pain et de
fromage dans le garde-manger et enfiler ses bottes. Ensuite,
elle se dirigea à toute vitesse vers l’avant-corps.
Un étranger aux cheveux blonds gardait l’entrée. Il auto-
risait les domestiques à aller et venir entre le château et le
mur d’enceinte puisqu’ils vaquaient à leurs corvées mati-
nales. L’homme lui jeta à peine un coup d’œil lorsqu’elle
sortit précipitamment.
Dans la cour, de la fumée s’élevait de la cuisine, se
mélangeant à l’aube brumeuse. Les
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