Interdit
ça. Différents.
D’un air absent, Duncan serra sa main droite comme
pour saisir une épée. Il avait fait ce geste sans y penser, un
geste qui lui était tout aussi naturel que de respirer. Il ne
s’en rendit même pas compte.
Contrairement à Ambre.
Elle se souvenait de ce qu’elle avait entendu à propos du
Fléau Écossais, un guerrier qui avait été vaincu au combat
une seule fois, et par l’usurpateur normand tant haï,
Dominic le Sabre. En échange de sa propre vie, Duncan
avait juré allégeance à son ennemi.
La rumeur disait que Dominic l’avait battu avec l’aide de
sa femme et sorcière, une Druide de la Vallée.
Ambre revit le visage qu’elle avait découvert dans l’es-
prit embrumé de Duncan : une chevelure de feu et des yeux
d’un vert exceptionnellement intense.
Le vert des Druides de la Vallée.
« Mon Dieu, se pouvait-il qu’il soit Dominic le Sabre,
l’ennemi juré d’Erik ? »
Observant attentivement les yeux de Duncan, Ambre
essaya de se dire qu’ils étaient gris, mais c’était honnête-
ment impossible. Verts, peut-être. Ou bleus. Ou marrons.
Mais pas gris.
Ambre poussa un long soupir. Pourvu qu’elle ne se
trompe pas !
— Où avez-vous rencontré ces hommes différents ?
demanda-t-elle. Ou étaient-ce des femmes ?
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INTERDIT
Duncan ouvrit la bouche, mais aucun mot n’en sortit. Il
grimaça devant la preuve évidente de sa perte de mémoire.
— Je ne sais pas, dit-il, catégorique. Mais je sais que je
les ai rencontrés.
Ambre s’approcha de lui et posa sa main sur la sienne,
celle qui avait voulu saisir une épée.
— Leurs noms ? demanda-t-elle d’une voix douce.
Seul le silence lui répondit, suivi d’un juron.
Elle ressentait la frustration et la colère grandissante de
Duncan, mais aucun visage, aucun nom, rien qui ne ramène
ses souvenirs du néant.
— Étaient-ils vos amis ou vos ennemis ? demanda-t-elle
calmement.
— Les deux, grogna-t-il. Mais pas… pas tout à fait.
Il serra le poing. Ambre tenta de détendre ses doigts
avec douceur. Il retira brusquement sa main pour se taper
la cuisse.
— Bon sang ! rugit-il. Quel genre de misérable pleutre
ne peut se souvenir ni de ses amis, ni de ses ennemis, ni
même de ses serments ?
La douleur traversa Ambre, la douleur de Duncan qui
était, étrangement, la sienne.
— Vous avez prêté serment ? demanda-t-elle à voix
basse.
— Je… je ne sais pas !
Ses mots étaient presque un hurlement.
— Doucement, mon sombre guerrier, dit-elle.
En parlant, elle caressait les cheveux et le visage de
Duncan, comme elle l’avait fait pendant de longues heures
lorsqu’il était perdu dans son étrange sommeil.
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ELIZABETH LOWELL
Dès qu’elle le toucha, il tressaillit. Mais après avoir
plongé son regard dans celui d’Ambre, troublé et doré, il
grogna et se détendit, acceptant ces tendres caresses qui
cherchaient à l’apaiser.
— Dormez, Duncan, je sens bien votre épuisement.
— Non, dit-il d’un air grave.
— Vous devez vous laisser guérir.
— Je ne veux pas retomber dans ces ténèbres.
— Ce ne sera pas le cas.
— Et si vous avez tort ?
— Je vous ramènerai à nouveau.
— Pourquoi ? demanda-t-il. Qui suis-je pour vous ?
Ambre hésita devant la question directe. Puis, elle
sourit, un sourire doux-amer étrange, en se remémorant les
mots de la prophétie de Cassandra qui résonnaient tels des
coups de tonnerre lointains.
Dans l’obscurité, il viendra à toi.
Et il était venu.
Elle avait touché un homme sans nom, et il avait réclamé
son cœur.
Ambre ne savait pas si elle pouvait façonner les évène-
ments afin que la vie, comme la mort, découle de son acte
imprudent. Elle ne savait qu’une seule chose, et elle en était
aussi certaine que le soleil se levait le matin pour se coucher
le soir.
— Quoi qu’il arrive, chuchota-t-elle, je vous protègerai
sur ma vie, coûte que coûte. Nous sommes… unis.
Duncan plissa les yeux en prenant conscience qu’elle
venait de prêter serment, un serment aussi fort que celui
que scellent les seigneurs entre eux. La férocité avec laquelle
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INTERDIT
elle était prête à le défendre contre les ténèbres qui avaient
englouti sa mémoire le rassura. Il sourit.
Elle semblait si fragile ! Ce rayon de soleil, cette brise
parfumée, cette douce chaleur.
— Êtes-vous la nouvelle impitoyable Boadicée, qui
mène les hommes au combat ?
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