Interdit
l’exception de
120
INTERDIT
Simon, qui se contenta de hausser les épaules, comme si
cela lui importait bien peu.
Ambre soupira longuement, discrètement. La rumeur
qu’elle soignait un homme inconnu s’était répandue dans la
campagne ces douze derniers jours. Elle en était consciente.
Pourtant, Erik avait pris le risque d’annoncer de but en
blanc aux chevaliers que Duncan avait oublié son passé. Ils
auraient très bien pu se retourner contre lui et le chasser en
pensant qu’il était l’instrument d’une magie noire.
Erik lui fit un clin d’œil, comme s’il avait entendu ses
pensées agitées. C’était sa manière de lui rappeler qu’il était
fort capable de prédire la réaction des hommes.
— Voyons ce que nous avons pour nos futurs combats,
dit Erik. Alfred, avez-vous testé vous-même les capacités de
Simon ?
— Non, monseigneur.
Erik se tourna vers Duncan.
— Voulez-vous porter à nouveau une épée ?
— Oui, avec joie !
— Non ! dit Ambre presque simultanément. Vous êtes
toujours en train de guérir du mal qui…
— Arrêtez, interrompit Erik. Je ne lui propose pas un
véritable combat, seulement un exercice.
— Mais…
— Mes chevaliers et moi-même devons savoir de quoi
sont capables les hommes qui se battent à nos côtés,
continua-t-il en ignorant sa tentative d’interruption.
Elle regarda droit dans les yeux topaze d’Erik. Toute
discussion serait inutile. Elle le savait. Elle protesta
pourtant.
— Duncan n’a pas d’épée.
121
ELIZABETH LOWELL
Avec une grâce décontractée qui prouvait sa force et son
talent, Erik tira sa propre épée et l’offrit à Duncan.
— Utilisez la mienne, dit Erik.
C’était un ordre.
— Ce serait un honneur, dit Duncan.
À l’instant même où il attrapa l’épée, un changement
subtil s’opéra en lui. C’était comme si on avait levé un voile
pour révéler le guerrier plein d’assurance sous les riches
atours dont il était paré. Duncan testa l’équilibre et la portée
de la lame ; l’arme miroitait et fendait l’air avec des sons
tranchants.
Erik observa Duncan et eut envie de rire, par pur plaisir.
Ambre avait raison. Duncan était bien un guerrier parmi les
guerriers, celui qui se démarque parmi les hommes égaux.
— C’est une bien belle arme, dit Duncan après une
minute. La plus belle que j’aie jamais tenue. J’essaierai de lui
faire honneur.
— Simon ? demanda Erik avec affabilité.
— J’ai ma propre épée, monsieur.
— Alors tirez-la, chevalier. Il est grand temps d’en-
tendre la musique de l’acier contre l’acier !
Le sourire de Simon, aussi aiguisé qu’une lame, inquiéta
Ambre. Elle se mordit la lèvre nerveusement. Donald et
Malcolm avaient beau ne pas être aussi doués que certains
chevaliers d’Erik, c’étaient des hommes forts, courageux et
tenaces.
Et Simon les avait vaincus aisément.
— Pas de sang, pas d’os cassés, dit brusquement Erik.
Je veux seulement voir votre façon de combattre. Me suis-je
bien fait comprendre ?
Duncan et Simon hochèrent la tête.
122
INTERDIT
— Nous battons-nous ici ? s’enquit Simon.
— Plus bas. Et vous vous battrez à pied, ajouta Erik. Le
cheval de Duncan ne vaut pas les vôtres.
Le champ de bataille qu’Erik avait choisi était une
prairie dont le chaume d’automne avait été adouci par la
pluie. Sous les épais nuages, la brume oscillait comme des
flammes d’argent.
Duncan et Simon mirent pied à terre, jetèrent leurs
capes sur leur selle et marchèrent jusqu’à la prairie. L’odeur
du chaume nourri de soleil et détrempé de pluie envahissait
l’air. Lorsqu’ils atteignirent une bande de terre suffisam-
ment plane et sèche, ils se tournèrent l’un vers l’autre.
— Je demande pardon pour toute blessure que je pour-
rais infliger, dit Simon, et j’offre également mon pardon
pour toute blessure que je recevrais.
— Bien, dit Duncan. Je fais de même.
Simon sourit et tira son épée de son fourreau avec une
grâce et une vitesse aussi déconcertante que l’apprêt noir de
sa lame.
— Vous êtes très rapide, dit Duncan.
— Et vous êtes très puissant, dit Simon avec un étrange
sourire. C’est un combat auquel je suis habitué.
— Vraiment ? Peu d’hommes sont aussi puissants que
moi.
— Mon frère l’est. C’est l’un des deux avantages que j’ai
sur vous aujourd’hui.
— Quel est l’autre ? demanda Duncan en
Weitere Kostenlose Bücher