Interdit
marques de bataille sur son corps et elle
a senti les ténèbres qui occultaient ses souvenirs. Elle l’a
nommé le « sombre guerrier » — Duncan.
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ELIZABETH LOWELL
Une certaine tension traversa Simon, qui se tendit
imperceptiblement, comme s’il se préparait à combattre, ou
à fuir.
Personne ne le remarqua, si ce n’est Duncan, qui avait
observé du coin de l’œil cet étranger aux cheveux clairs et
aux yeux noirs. Cependant, ce n’était pas lui que Simon
regardait, mais Ambre.
— Êtes-vous surtout habile avec les herbes et les
potions ? lui demanda-t-il.
La question était polie et le ton agréable, mais la noir-
ceur froide de ses yeux n’était ni l’un ni l’autre.
— Non, répondit Ambre.
— Alors pourquoi vous l’avoir amené ? N’y a-t-il pas de
femmes sages qui guérissent les hommes dans les Terres
contestées ?
— Duncan portait un talisman d’ambre, dit-elle, et
toutes les choses d’ambre m’appartiennent.
Simon paraissait perplexe.
Duncan également.
— Je croyais que vous m’aviez donné le talisman quand
j’étais inconscient, dit-il à Ambre, l’air soucieux.
— Non. Pourquoi pensiez-vous cela ?
Duncan secoua la tête, perplexe.
— Je ne sais pas.
Sans hésitation, Ambre porta sa main à la joue de
Duncan.
— Essayez de vous souvenir de la première fois que
vous avez vu le pendentif, murmura-t-elle.
Duncan s’immobilisa. Des fragments de souvenirs
jaillissaient dans son esprit, mais ils étaient aussi vagues et
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INTERDIT
insaisissables que des feuilles mortes emportées par un
vent d’automne.
Des yeux inquiets, ceux d’une Druide de la Vallée.
L’éclat doré de l’ambre.
Un baiser sur sa joue.
« Dieu te bénisse ».
— J’étais persuadé qu’une jeune femme m’avait donné
ce talisman…
La voix de Duncan se transforma en juron étouffé. Il
tapa du poing sur le pommeau de sa selle, si fort qu’il effraya
sa monture.
— Je préfèrerais n’avoir aucun souvenir plutôt que
d’être ainsi tourmenté par des ombres insaisissables ! dit-il
sauvagement.
Ambre retira sa main de la peau de Duncan. Sa rage
était tel un tison en suspens au-dessus de sa chair, mena-
çant de la faire souffrir si elle continuait à le toucher tant
qu’il était si furieux.
Erik lança un regard dur à Ambre.
— Qu’y a-t-il ? demanda-t-il.
Elle secoua la tête.
— Ambre ? demanda Duncan.
— Une femme vous a donné le talisman. Une femme
aux yeux verts, des yeux de Druide de la Vallée.
Ces mots parcoururent les chevaliers comme une brise
agitée balaie le marécage.
« Druide de la Vallée. »
— Il a été ensorcelé, dit craintivement Alfred en se
signant.
Ambre ouvrit la bouche pour protester, mais Erik fut
plus rapide.
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ELIZABETH LOWELL
— Oui, il semblerait, dit-il doucement. Cela explique-
rait bien des choses. Mais Ambre est certaine que Duncan
n’est plus sous l’influence du sort auquel il aurait pu être
soumis, quel qu’il soit. N’est-ce pas, Ambre ?
— Oui, dit-elle promptement. Il n’est pas l’instrument
du diable, sinon il n’aurait pu porter le talisman d’ambre.
— Montrez-leur, ordonna Erik.
Sans un mot, Duncan délaça sa chemise et en sortit le
pendentif d’ambre.
— Il y a une croix d’un côté. C’est une prière de cheva-
lier pour demander la protection de Dieu, dit Erik. Voyez,
Alfred, et sachez que Duncan appartient à Dieu et non à
Satan.
Alfred fit avancer son cheval jusqu’à ce qu’il puisse
voir le pendentif qui balançait au poing massif de Duncan.
Les lettres incisées de la prière formaient une croix à double
barre. Lentement, douloureusement, Alfred lut à voix haute
les premiers mots de la prière.
— Comme vous l’avez dit, monseigneur. C’est une
prière courante.
— Les runes de l’autre côté constituent également une
prière sollicitant la protection, dit Ambre.
— L’Église ne m’a pas enseigné les runes, dit Alfred en
haussant les épaules. Mais je vous connais, Ambre. Si vous
dites qu’il n’y a aucun mal dans ces runes, je le crois.
— Très bien, dit Erik. Alors accueillez Duncan comme
votre égal. Ne le craignez point à cause de ce qu’il a vécu.
C’est son avenir qui importe. Et cet avenir est à mes côtés.
Le silence se fit tandis qu’Erik regardait les chevaliers
tour à tour. Tous hochèrent la tête pour montrer qu’ils
acceptaient Duncan comme l’un des leurs, à
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