Interdit
l’impression d’être aussi doué
qu’un débutant, dit-il.
Simon rit.
Puis Duncan se joignit à lui. Il ressentait une affinité
avec le chevalier blond, aussi forte qu’inattendue.
— J’avais l’avantage dans notre combat, dit Simon. J’ai
passé ma vie à combattre un homme de votre carrure. Alors
que vous avez peu de pratique contre un homme aussi
rapide que moi. À part, peut-être, Sire Erik ? Cet homme a
une certaine grâce dont je me méfie.
— Je ne l’ai jamais vu se battre. Ou alors je ne m’en rap-
pelle pas, ajouta Duncan d’un air sombre.
— Si vous ne l’avez jamais vu se battre depuis que vous
vous êtes réveillé en Terres contestées, alors vous ne l’avez
jamais vu se battre, dit Simon dans un souffle.
— Que dites-vous ?
— Rien d’important, dit Simon.
Il faisait le tour de la salle d’armes, cataloguant l’équipe-
ment en admirant, à contrecœur, la prévoyance d’Erik. Le
ELIZABETH LOWELL
jeune seigneur serait un ennemi redoutable, s’ils en arri-
vaient là.
Et ce serait certainement le cas.
Des gens approchaient. Les sons annonciateurs de leur
venue flottaient dans le château à moitié fini comme une
brume invisible. D’abord, la voix grave d’un homme leur
parvint, puis le rire harmonieux d’une femme. Erik et
Ambre.
Simon vit Duncan se tourner vers la porte avec impa-
tience. Il enrageait.
« Sorcière du diable.
» Duncan tombe dans son piège comme un chien affamé
se jette sur des restes. »
— Vous voilà, lui dit Erik en pénétrant dans la pièce.
Alfred m’a dit que vous seriez ici, à observer la réparation
de vos armes.
— J’admire le talent de votre armurier, dit Simon en
regardant du coin de l’œil Ambre courir vers Duncan.
Jamais je n’avais vu pareil ouvrage depuis les Sarrasins.
— C’est de cela dont je voulais vous parler.
— Des réparations de mon haubert ?
— Non. Des armes sarrasines. Vous avez dit quelque
chose à propos de leurs archers hier qui m’a intrigué.
Simon se força à se concentrer sur Erik plutôt que sur la
femme qui semblait si innocente et qui, pourtant, était si
pétrie de mal qu’elle pouvait voler la mémoire d’un homme
sans hésitation ni regret.
— Quoi donc, monseigneur ?
— Leurs guerriers tiraient-ils vraiment depuis leurs
chevaux au galop ?
— Oui.
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INTERDIT
— Avec précision ? À distance ?
— Oui, répondit Simon. Et aussi vite que la grêle qui
tombe.
Erik plongea son regard dans les yeux noirs de Simon.
Les souvenirs qu’il avait de la guerre expliquaient indu-
bitablement selon lui les compétences sinistres et effrayantes
de l’homme.
— Comment faisaient-ils ? demanda Erik. L’archer doit
être à terre pour pouvoir charger une arbalète.
— Les Sarrasins utilisaient un arc. Il était deux fois plus
petit que les arcs anglais, et pourtant, il tirait des flèches
avec la force d’une arbalète.
— Comment est-ce possible ?
— C’est une question que D… commença Simon avant
de masquer son erreur en toussotant. C’est une question
que mon frère et moi nous sommes souvent posée.
— Qu’en avez-vous conclu ?
— Les Sarrasins courbaient et recourbaient leurs arcs
pour doubler ou redoubler leur force sans la peine qu’est le
poids de l’arbalète.
— Comment ? demanda Erik.
— Nous ne savons pas. Chaque fois que nous avons
essayé de nous en fabriquer, l’arc se brisait.
— Bon sang, que ne ferais-je pas pour une poignée
d’arcs sarrasins ! s’écria Erik.
— Vous auriez aussi besoin d’archers sarrasins, dit
sèchement Simon. Il y a une astuce pour les utiliser que les
guerriers étrangers ne savent maîtriser. Au final, les épées
et les piques chrétiennes faisaient bien l’affaire.
— Oui, mais pensez à l’avantage que constitueraient
ces arcs.
129
ELIZABETH LOWELL
— La traîtrise est mieux.
Surpris, Erik fixa Simon.
Duncan également.
— Mon frère, continua Simon, m’a souvent dit qu’il n’y
a pas meilleur moyen de prendre une position fortifiée que
par la traîtrise.
— Quel homme astucieux, votre frère, marmonna Erik.
A-t-il survécu à la Guerre sainte ?
— Oui.
— Est-ce lui que vous cherchez dans les Terres
contestées ?
L’expression de Simon s’assombrit.
— Pardonnez-moi, monseigneur, dit-il doucement. Ce
que je cherche sur ces terres reste entre Dieu et moi.
Pendant un instant, Erik marqua une pause. Puis, il
sourit
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