Interdit
Les doux rayons du soleil
couchant réchauffaient son visage tandis qu’une fée d’ambre
se détendait dans l’étreinte de ses bras.
— Le soleil, murmura Ambre. Quelle splendeur
inattendue.
Elle leva la main pour repousser le capuchon de laine
qui recouvrait sa tête. Le tissu indigo tomba en plis sur sa
nuque et ses épaules, permettant à la chaleur dorée du soleil
de l’inonder.
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ELIZABETH LOWELL
— Oui, souffla Duncan. C’est magnifique.
Mais c’était Ambre, et non le soleil, que Duncan louait
ainsi.
— Votre chevelure, murmura-t-il. Comme mille reflets
de lumière dorée. Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau.
Ambre retint son souffle. Elle était parcourue d’un
frisson. Le désir de Duncan l’appelait. Elle aurait aimé
s’envelopper de sa force et de sa chaleur comme d’une cape
vivante, repousser le monde extérieur, se donner à lui dans
un silence secret que personne au monde ne pourrait violer.
C’était tout ce dont elle avait envie.
Pourtant, elle ne devait pas se donner à lui.
Cœur, corps et âme.
— Ambre, murmura Duncan.
— Oui ? dit-elle en essayant de réprimer un frisson.
— Rien. C’est juste que j’aime murmurer votre nom
dans votre chevelure éclatante.
Le plaisir se déversa en elle. Sans réfléchir, elle porta sa
main à la joue de Duncan. La sensation légèrement rêche de
sa peau, là où sa barbe était à peine naissante, lui plaisait.
La force de son bras autour de sa taille lui plaisait. La cha-
leur et l’élasticité de sa poitrine lui plaisaient.
Duncan lui plaisait infiniment, jusqu’aux tréfonds de
son âme.
— Il n’existe aucun homme comme vous.
Ambre ne sut qu’elle avait énoncé sa pensée à voix haute
que lorsqu’elle sentit un frisson parcourir le corps puissant
de Duncan.
— Nulle femme ne vous égale, chuchota-t-il en embras-
sant la paume de sa main.
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INTERDIT
Lorsqu’il se pencha pour poser sa joue contre la cheve-
lure d’Ambre, le parfum délicat du soleil et des arbres le
pénétra. Elle sentait l’été et la chaleur, les pins sylvestres et
le vent sec.
Son parfum était unique. Il ne pouvait s’en lasser.
Ambre l’écoutait attentivement. Elle sentit l’hésitation
dans son souffle, le plaisir intense qu’il prenait de sa simple
présence, et elle désira plus que jamais être libérée de
sa prophétie.
Mais c’était impossible.
— La chaleur ne durera pas, c’est dommage, dit-elle
d’une voix hésitante.
Duncan émit un son interrogateur tandis qu’il frottait
son nez contre une mèche de cheveux qui tombait dans le
cou d’Ambre.
— Erik avait raison, dit-elle d’un ton saccadé, presque
apeuré. Une tempête se prépare. Mais elle ne fait que rendre
la lumière du soleil encore plus précieuse.
Duncan releva la tête à contrecœur et regarda au nord.
Une couche épaisse de nuages menaçait, retenue par le vent
du sud. Au-dessus d’eux, le ciel était un bol de saphir arqué
sur les montagnes, dont les sommets rocheux étaient recou-
verts d’un capuchon nacré de nuages.
— Il n’y aura pas de tempête avant le coucher du soleil,
dit Duncan.
Ambre ne dit rien.
— Peut-être avons-nous même jusqu’au lever de la lune,
ajouta-t-il, mais j’en doute.
Il regarda de nouveau par-dessus son épaule. Derrière
eux, un creux étroit traversait les montagnes accidentées
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ELIZABETH LOWELL
qui s’élevaient entre Sea Home et Stone Ring. C’était l’entrée
de Ghost Glen, le vallon Fantôme, surnommé ainsi à cause
des arbres à l’écorce pâle qui s’accrochaient à ses flancs
abrupts, et du gémissement envoûtant des vents d’automne.
Aucun cavalier n’avait suivi Ambre et Duncan sur l’arête
qu’ils venaient de descendre et aucun cavalier n’était visible
devant eux, où terre et mer se rencontraient pour former
Whispering Fen. Le chemin qu’ils allaient prendre pour
rejoindre le marais n’était pas tracé. Seule la jeune femme
d’ambre, qui épousait si parfaitement l’espace entre les bras
de Duncan, le connaissait.
Ils n’avaient vu aucun signe de vie ou d’habitation de ce
côté de l’arête. Il n’y avait pas de routes, pas de fumée s’éle-
vant d’une clairière, pas de champs labourés, pas de clô-
tures en pierre sèche, pas de parcs à cerfs, pas de traces de
hache sur les arbres. Petit, encaissé, envahi par les conversa-
tions translucides d’un ruisseau, Ghost Glen
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