Interdit
pour moi l’em-
porteront sur sa colère.
Le ton d’Ambre était plat, monotone, comme si c’était
une réponse qu’elle avait mémorisée plutôt qu’une convic-
tion qu’elle comprenait.
— Est-ce ce que tu crois ?
— Je crois que j’aime l’homme qui est venu à moi dans
l’obscurité, murmura-t-elle. Je crois qu’il me désire jusqu’aux
tréfonds de son âme. Et j’espère…
Sa voix s’affaiblit.
— Dis-moi, dit Cassandra sur un ton aussi compatis-
sant que pressant.
Ambre baissa ses longs cils dorés pour cacher ses yeux
qui contenaient plus d’ombres que de lumière. Lorsqu’elle
parla, sa voix tremblait sous la puissance des émotions
qu’elle gardait pour elle.
— J’espère et je prie que Duncan apprendra à m’aimer
avant de connaître son véritable nom, dit-elle. Alors,
peut-être…
Sa voix se brisa. Dissimulés sous la table, ses ongles
s’enfonçaient profondément dans ses paumes.
— Peut-être ? demanda Cassandra.
Ambre frissonna.
— Peut-être pourra-t-il me pardonner de ne pas lui
avoir dit.
— C’est pourquoi tu iras dans le lit conjugal avec lui, dit
Cassandra, comprenant enfin. Tu espères l’y conquérir.
261
ELIZABETH LOWELL
— Oui.
— Tu y vas en étant consciente que tu lui donneras un
peu plus de toi-même chaque fois qu’il te touche.
— Oui.
— Tu y vas en sachant que tu te réveilleras un jour pour
être haïe par l’homme à qui tu as donné ton cœur, ton
corps… et ton âme.
— Oui.
— Sais-tu ce qui arrivera alors ?
— Oui.
— Tu acquiesces si aisément, souffla Cassandra.
Regarde-moi. Le sais-tu réellement ?
Ambre ouvrit lentement les yeux et fit face à celle qui la
regardait de ses yeux d’Érudite. L’agitation du festin s’es-
tompait tandis que les yeux gris cherchaient les dorés pen-
dant un souffle, deux, trois. Quatre.
Soudain, Cassandra détourna le regard. Sa discipline
d’Érudite faiblissait face à la noirceur qui reposait dans les
yeux d’Ambre.
— Oui, dit-elle, le souffle court. Tu sais . Je salue ton
courage.
— Alors que vous déplorez mon bon sens ?
Cassandra se tourna de nouveau vers la jeune femme
qui était sa fille en tout si ce n’est de naissance. Les larmes
brillaient comme de la glace dans les yeux de Cassandra.
Ambre était trop surprise pour parler. Jamais elle n’avait
vu l’Érudite pleurer.
— Je déplore seulement que Dieu t’ait imposé cela à toi,
et non à moi, dit Cassandra à voix basse. Je préférerais que
la souffrance soit mienne.
262
INTERDIT
Avant qu’Ambre n’ait pu répondre, un chevalier fit un
nouveau discours. Elle leva son verre, sourit férocement et
but une petite gorgée.
Lorsqu’elle reposa la lourde coupe d’argent, Duncan se
tenait devant elle. Il lui tendit la main. Elle se leva aussi gra-
cieusement qu’une flamme et le rejoignit, posant sa main
dans la sienne.
À l’instant même où la chair de Duncan rencontra celle
d’Ambre, le plaisir se répandit en elle. La tension qui avait
tiré son sourire pour qu’il soit aussi aiguisé qu’une lame de
couteau s’évanouit comme la brume sous un soleil embrasé.
Sa bouche s’adoucit, les ténèbres quittèrent ses yeux, et elle
adressa à Duncan un sourire qui serra le cœur de Cassandra.
— Comprenez-vous, maintenant ? murmura Erik à son
oreille. Elle a besoin de son sombre guerrier encore plus que
moi.
— Je comprends tout, sauf ce que vous ferez lorsqu’il
redeviendra Duncan de Maxwell et qu’il la tue…
— Non, l’interrompit Erik à voix basse.
— … petit à petit, faisant saigner son cœur…
— Silence ! siffla-t-il.
— … de dix mille entailles que personne d’autre n’aurait
ressenties, finit Cassandra. Que ferez-vous alors, puissant
seigneur ?
— Duncan l’aimera en dépit de tout ! Comment un
homme pourrait-il ne pas aimer une femme qui le regarde
avec une joie si manifeste ?
— « Il l’aimera en dépit de tout », répéta Cassandra avec
sarcasme. C’est vous, sorcier, qui ne croit qu’en la luxure
entre un homme et une femme, qui dites cela ? Je vous rirais
au nez, mais j’ai peur que mon âme ne se brise.
263
ELIZABETH LOWELL
— Duncan l’aimera. Il le doit .
— Pourriez-vous aimer une femme qui vous a trahi ?
— Je ne suis point Duncan.
— Vous êtes un homme. Duncan aussi. Quand il com-
prendra combien Ambre lui en a coûté, il la haïra.
— Qu’auriez-vous fait à ma
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