Interdit
place ? demanda Erik à voix
basse.
— J’aurais livré le château de Stone Ring à Dominic le
Sabre.
— Jamais, rétorqua Erik, catégorique.
— C’est l’orgueil qui parle.
— À quoi est bon un homme s’il n’a pas d’orgueil ?
— Demandez à Duncan, dit Cassandra d’un ton cin-
glant, car vous semblez croire qu’il n’en a pas.
Un chœur de cris s’éleva soudain. Erik tourna la tête
vers les noceurs. Ambre avait une main autour du cou de
Duncan et chuchotait à son oreille. Quoi qu’elle dise, cela
faisait sourire Duncan avec une chaleur sensuelle qui flam-
bait aussi intensément que le feu.
Puis, Duncan souleva la main d’Ambre, embrassa ten-
drement ses doigts et lui sourit encore. C’était un sourire
différent, un sourire qui promettait sécurité et passion,
affection et désir, paix et extase.
— Regardez-les, dit Erik, toujours sur le ton de la confi-
dence. Regardez-les et dites-moi comment j’aurais pu les
séparer à moins de les tuer.
Il y eut un silence assourdissant, puis un soupir.
Cassandra toucha le poing serré d’Erik du bout des doigts.
— Je sais, dit-elle doucement. C’est pourquoi nous
rageons l’un contre l’autre. Cela nous donne l’illusion que
nous maîtrisons le destin d’Ambre —, et nous avons fait les
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INTERDIT
mauvais choix —, alors qu’en vérité, nous n’avons jamais eu
ce genre d’ascendant sur sa destinée.
Main dans la main, Duncan et Ambre s’approchèrent
d’Erik.
— Avec votre permission, monsieur, dit Duncan, nous
souhaiterions aller nous reposer.
Un éclat de rire surgit de l’assemblée de chevaliers.
— Vous reposer ? demanda Erik, dissimulant son sou-
rire en se lissant la barbe. Absolument, Duncan. Si vous
n’êtes pas couché bientôt, le coq se lèvera bien après l’aube.
Le rire s’amplifia chez les chevaliers.
Le sourire d’Erik changea lorsqu’il regarda Ambre. Il
tendit la main vers elle, mais s’arrêta avant de toucher sa
joue.
— Soyez heureuse dans ce mariage, dit-il.
Le sourire d’Ambre était incandescent. Il ne s’affaiblit
pas, pas même lorsqu’elle tourna délibérément la tête afin
que sa joue rencontre les doigts d’Erik.
La surprise qui parcourut le rang des chevaliers se reflé-
tait sur le visage d’Erik.
— Merci, monsieur, dit-elle doucement. Votre gen-
tillesse envers moi a été pareille à celle de l’ambre : des frag-
ments de lumière qui brillent même lorsque le jour est
sombre.
Le sourire d’Erik était si triste et si beau que Cassandra
sentit la douleur tordre ses entrailles. L’amour qu’Erik avait
porté à Ambre était aussi clair que la couleur fauve de ses
yeux. C’était pourtant un amour sans désir charnel, malgré
la beauté d’Ambre et la virilité manifeste d’Erik.
Soudain, la peur remplaça la douleur en Cassandra.
« Il sait. Par toute l’Érudition, il sait !
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ELIZABETH LOWELL
» Est-ce pour cela qu’il prend autant de risques ? Essaie-
t-il de lui rendre ce qu’on lui a pris à la naissance ? »
Cassandra ne trouva aucune réponse dans le puits de
sérénité que constituait son Érudition.
— Me donnerez-vous vos meilleurs vœux ? lui demanda
Ambre en se tournant vers elle.
— Tu es ma fille de toutes les façons qui comptent, dit-
elle. Je te donnerais le paradis, si je le pouvais.
Ambre, le sourire aux lèvres, jeta un regard à son époux
sous ses longs cils. Bien qu’elle ne dise rien, le feu qui se
reflétait dans les yeux de Duncan brûla plus intensément.
— Merci, dit Ambre en regardant de nouveau
Cassandra. Vos vœux représentent beaucoup pour moi. Je
vous aime comme aimerait une fille.
De sa main libre, elle toucha la joue de Cassandra. Le
même murmure de surprise se répandit dans la salle. Malgré
l’affection évidente qui liait Ambre, Erik et Cassandra, per-
sonne n’avait jamais vu la jeune fille toucher le seigneur ou
l’Érudite.
Les larmes brillèrent de nouveau dans les yeux de
Cassandra. Elle regarda longuement et durement le sombre
guerrier dont les doigts étaient enlacés à ceux d’Ambre.
— Vous avez un don qui n’a pas de prix, dit-elle. Peu
d’hommes ont le privilège d’en connaître de pareils.
Les éclats de ténèbres au fond des yeux clairs de
Cassandra firent frissonner Duncan. Ses instincts se
réveillèrent. Il était certain que cette femme représentait un
danger aussi sûrement que la nuit tombe lorsque le
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