Jack Nicholson

réussi à garder leurs distances vis-à-vis de BBS , volaient désormais de leurs propres ailes. Towne s’était fait une excellente réputation (Robert Evans s’épanchait dans la presse : « Je préférerais avoir les cinq prochains engagements de Robert Towne que les cinq prochains engagements de Robert Redford ») devenant ainsi un scénariste star, ce qui lui avait permis de sortir de sa coquille et de se montrer plus confiant vis-à-vis de son avenir. Il était bien déterminé à mettre en scène lui-même son prochain film et se préparait pour la suite de Chinatown.
    La carrière d’Eastman semblait marcher du feu de Dieu. La jeune femme avait écrit une autre comédie, intitulée Man Trouble, une amusante histoire d’amour impliquant un maître-chien, qui était présentée dans les journaux spécialisés depuis 1971 comme un film dans lequel joueraient Jeanne Moreau et Jack Nicholson. Eastman signa son contrat de développement avec la Warner Brothers. À l’instar de Towne, elle ne voulait plus que ses idées soient manipulées par les réalisateurs. La Bonne Fortune devait mettre à l’épreuve ses aptitudes à la comédie. Eastman projetait ensuite de faire quelque chose que peu de femmes avaient réussi à faire dans l’histoire de Hollywood. Elle voulait mettre en scène le script qu’elle avait elle-même écrit, Man Trouble.
    Après le tournage de La Bonne Fortune, Jack et Anjelica partirent en vacances à l’étranger, et firent une escale en Irlande. C’était une expérience de « retour aux racines » pour tous les deux. Nicholson ne s’était jamais rendu sur l’Île Émeraude, et Anjelica n’était pas retournée à St Clerans, la ville où elle avait été élevée, depuis l’accident qui avait coûté la vie à sa mère en 1969.
    C’était peu de temps après qu’il eut appris que June était sa mère, mais Jack refoula ses sentiments personnels, comme à son habitude, et cette expérience de « retour aux racines » fut davantage celle d’Anjelica. À St Clerans, les nouveaux propriétaires se montrèrent peu accueillants et n’invitèrent pas le couple dans la maison de campagne. Alors, les visiteurs américains firent le tour des terres et discutèrent avec un jardinier qui, la larme à l’œil, se remémora l’enfance d’Anjelica. Cette dernière, qui avait plutôt tendance à dissimuler ses émotions, se mit elle aussi à pleurer.
    L’engagement d’Anjelica ramena à la surface toutes les émotions ambivalentes que Jack pouvait éprouver à l’égard de sa famille. Le sentiment de confusion qu’il ressentait à l’égard de sa « sœur-mère » était particulièrement intense au cours de cette période qui précéda le moment où la vérité au sujet de June fut révélée au public et où l’acteur se mit à rationaliser tout ce qui s’était passé. La dernière chose que souhaitait Nicholson, à ce moment-là, était une union de quelque type que ce soit.
    D’ailleurs, Anjelica et lui-même étaient au bord de la rupture lorsqu’ils revinrent de leur voyage en Irlande et lorsque Jack se dirigea vers l’Oregon pour la post-production de Vol au-dessus d’un nid de coucou, à la fin du mois de janvier 1975. Et si Anjelica se rendit quelquefois sur le plateau, il était évident que Jack était de mauvaise humeur lorsqu’elle se trouvait dans les parages. Quand le couple rentra à Los Angeles, Anjelica quitta la maison de Jack.
    Dès la publication de One Flew Over the Cuckoo’s Nest, ou Vol au-dessus d’un nid de coucou, Nicholson, comme des centaines de milliers d’autres personnes, avait lu le best-seller de Ken Kesey traitant d’un présumé violeur qui feint la folie pour éviter d’être condamné à des travaux d’intérêt général à la campagne. Envoyé dans une institution psychiatrique fédérale, le détenu, Randle P. McMurphy, rassemble les autres patients, se rebelle contre l’infirmière au cœur dur, Mademoiselle Ratched, qui distribue punitions et médicaments, et finit par être lobotomisé.
    Ce premier roman de Kesey était le livre par excellence de tous les gens qui avaient grandi dans les sixties . Son auteur lui-même avait acquis le statut de célébrité, au cours de l’ère psychédélique, en qualité de leader des Merry Pranksters, dont les mésaventures à Haight-Ashbury avaient été relatées par Tom Wolfe dans son livre fondateur du « nouveau journalisme », Acid Test. Si l’on pouvait dire que par