Jack Nicholson

vers le large par le courant. Jack courut vers la plage, pour proposer son aide (…). »
    « Les autres maîtres nageurs doutaient que cela fût possible, mais Jack pensa qu’il pourrait être capable de conduire un bateau jusqu’aux personnes en danger. Il conduisit dans les vagues de 1,50 m de haut, des vagues si raides qu’on avait parfois l’impression que le bateau avançait à la verticale. Épuisé, il tourna après les vagues déferlantes, dans la houle, réussit à contourner la jetée, et finit par récupérer les cinq derniers nageurs viii . »
    Un photographe de l’Asbury Park Press prit une photo du sauvetage (« un joli cliché du bateau juché au sommet d’une immense vague, la proue pointant vers le ciel ») et la publia. Mais ce photographe omit d’immortaliser l’instant où Jack « vomit ses tripes » sur le sable, une fois que tout fut terminé.
    C’était un été solitaire, et Jack passa beaucoup de temps à réfléchir en regardant les vagues se dresser et rouler, les mouettes voler et planer. Son côté « pessimiste de la classe » ressentait « toutes les angoisses classiques de l’adolescence ». Qu’allait-il faire de sa vie ? Plaisait-il aux filles ? Y avait-il de la grandeur en lui ?
    La fin de l’été approchait, et il n’était toujours sûr de rien. La Californie l’attirait. Il rêvait secrètement de jouer dans des films, chose dont il n’avait jamais osé parler à personne. Et c’était là que June s’était installée, à Los Angeles.
    Si Jack soupçonnait Ethel May de ne pas être sa véritable mère, ses doutes étaient enfouis dans son subconscient. Certains des adultes de la région savaient ou se doutaient de quelque chose, mais aucun de ses amis du lycée n’était dans la confidence. « Ses liens de parenté n’ont jamais été remis en question », fait remarquer Allan Keith.
    Lorraine parla avec Jack et l’encouragea à partir vers l’ouest pour aller voir sa « sœur ». « Oublie l’université pendant quelque temps et vis un peu ta vie, lui conseilla-t-elle. Jack, lui dit-elle, si tu restes à Neptune, dans cette ville où tout est relativement facile et où tout le monde te connaît, tu seras toujours Jacky Nicholson. Il faut que tu quittes la ville pour accomplir ton potentiel. »
    Lorraine lui prêta de l’argent pour acheter son billet d’avion. Ross Stoner, de même que plusieurs autres amis, l’aida aussi financièrement à organiser son voyage. La grande majorité des amis de Jack ne savaient pas qu’il projetait de partir et ignoraient les raisons de son départ. La plupart d’entre eux allaient rester dans le New Jersey jusqu’à la fin de leur vie. Le fait de partir fut, pour Jack, une marque d’affirmation de son caractère. La première.
    « On ne pensait pas que Jack allait partir », raconte Gil Kenney, un ancien sportif du lycée devenu chef de la police de Brielle dans le New Jersey. « C’était un clown. Il ne parlait jamais sérieusement. » « On n’a jamais eu la moindre idée de ce qu’il rêvait vraiment de faire », admet Allan Keith.
    « Un jour, je me suis retourné, et il n’était plus là, dit Dutch Nichols. Il était parti sans dire au revoir. »
    En septembre 1954, Jack arriva à Los Angeles, une ville qui, pour lui, n’avait jusqu’ici existé que sur des cartes, dans des livres et dans des films, des images et des rêveries vacillantes. Le New Jersey se retira dans un passé qui serait toujours chargé d’une certaine ambiguïté, un passé dont Jack, avec le temps, finirait par découvrir la supercherie.
    Parfois, Jack évoque avec nostalgie ses racines dans le New Jersey. Mais d’autres fois, moins prudent, il parle presque avec amertume de son enfance passée dans le monde claustrophobe de la côte nord. « On n’a pas idée de ce que c’est de vivre dans le New Jersey, dirait spontanément Jack, quelques années plus tard, à un journaliste, tant qu’on n’en est pas sorti. Je crois qu’on peut dire que c’est l’État le plus inutile de la nation. »

2.

La force intérieure
1954
    Deux enfants, un fils, Murray Jr, et une fille, Pamela, étaient nés de l’union de June Nicholson et de Murray Hawley dans les premières années de leur mariage, qui, au bout d’à peine dix ans, commença à se dissoudre dans la rancœur et s’acheva par un divorce.
    Dans les années 1940, les Hawley passèrent d’une ville de la côte est à l’autre, Murray