Jack Nicholson
avait un penchant pour les surnoms légèrement dévalorisants, avait baptisé Kenney « Ant Titties » vii , en référence à ses petits mamelons dont il se moquait en cours de gym. Avec le temps, le surnom devint tout simplement « Ant ».
Ant ne faisait pas partie de la clique des sportifs et pom-pom girls. D’ailleurs, peu de membres du cercle d’amis de Jack le connaissaient ou l’avaient remarqué avant que tout le monde apprenne, quelques années plus tard, que Nicholson avait invité cet ancien camarade de classe à Hollywood et lui avait offert un poste. Ant est la seule personne du New Jersey qui resta dans la vie de Jack.
Jack, si l’on peut dire, adopta Ant. Quand Jack n’était pas en train d’organiser des faux paris avec Dutch ou de blablater avec ses copains devant des hamburgers au Woolley’s, c’était chez Ant, à Manasquan, que l’on pouvait le trouver.
Ils allaient au cinéma ensemble, s’échangeaient des livres et écoutaient de la musique ou parlaient musique. Le père d’Ant était un pianiste qui jouait dans les bars, et il y avait toujours des gens du show-business qui tenaient d’intéressantes conversations dans sa maison. Ant jouait parfois lui aussi du piano, après son père. Il faisait naître de joyeuses mélodies tandis que Jack l’écoutait, resplendissant de bonheur, et le temps passait bien vite.
Mais on pouvait aussi trouver Jack et Ant chez Ethel May, à Spring Lake, où ils écoutaient, pendant des journées entières, les derniers disques de rock and roll et de jazz (ils adoraient Skin Deep de Louis Belson, qu’ils passaient et repassaient en boucle).
« Mud nous laissait mettre le volume bien fort, se rappelle Kenney. Il n’y avait pas beaucoup de mamans qui réagissaient comme ça vis-à-vis du rock and roll. J’ai le souvenir d’une maison pleine de rires, d’une atmosphère très joyeuse. Jack était entouré par beaucoup d’amour. »
Tout le monde adorait le cinéma. Jack et ses amis faisaient partie de la dernière génération des séances du samedi matin. Toutes les villes de la côte avaient un cinéma, et ces cinémas changeaient de programmation deux fois par semaine. Ainsi, la petite bande migrait de ville en ville pour essayer de voir tous les nouveaux programmes. Les lycéens se retrouvaient le samedi après-midi à l’ Algonquin de Main Street à Manasquan. Parfois, Dutch et Jack obtenaient un billet gratuit en promettant de rabattre tous les strapontins après le film.
Jack travailla quelque temps comme ouvreur et vendeur de popcorn au Rivoli de Belmar. Il n’a pas fait beaucoup de petits boulots qui sont restés dans les souvenirs des gens. Il tondait les pelouses ; et il fut aussi, pendant une courte période, caddy dans un country club. Mais ces emplois-là n’étaient pas vraiment cool. S’il s’était présenté au cinéma, c’était non seulement pour l’argent de poche, mais aussi parce qu’il pouvait ainsi voir tous les nouveaux films.
Personne ne se rappelle que Jack ait parlé de cinéma ou de Hollywood autrement que comme le faisaient tous les jeunes de son âge. Mais tous ses amis notèrent qu’il fut particulièrement marqué par l’émergence de Brando et d’une autre star du cinéma. Gail Dippel, l’un des rares amis de lycée de l’acteur qui soit resté en contact avec lui, se souvient que Jack mettait un point d’honneur à voir tous les films d’un comédien qui jouait les héros honnêtes : Henry Fonda.
« Il essayait de ne rater aucun film de Henry Fonda, raconte Dippel. Il aimait son jeu d’acteur. »
Tout comme quelques autres membres de sa famille, Jack avait des talents pour ce qui touchait à l’esthétisme, mais il essayait également de masquer cette facette de sa personnalité.
Peu de ses amis savaient qu’il aimait faire des esquisses et des dessins. Il réussissait à caricaturer rapidement ses professeurs pendant les cours. Rien de réellement artistique, mais comme chez Ethel May, il y avait un certain don.
Après avoir été écarté des organisations sportives, Jack resta dans la sphère des sportifs en qualité de chroniqueur. D’ailleurs, alors qu’il jouait dans l’équipe de basket-ball de première année, il faisait déjà des comptes-rendus de matchs pour Blue and Gray, le journal de l’école. Jack faisait partie des rares chroniqueurs qui avaient insisté pour avoir un nom de plume. (Il n’était pas particulièrement doué. Relatant un match au cours
Weitere Kostenlose Bücher